Le président ukrainien Volodymyr Zelensky doit rencontrer cette semaine plusieurs responsables de l'administration Trump, dont le vice-président JD Vance, le secrétaire d'État Marco Rubio et l'envoyé spécial de Trump pour la Russie et l'Ukraine Keith Kellogg à l'occasion de la Conférence sur la sécurité qui se tient à Munich du 14 au 16 février.
La réunion entre les responsables américains et le gouvernement Zelensky aura lieu dans la foulée de l'appel téléphonique surprise de Trump avec le président russe Vladimir Poutine. Suite à cet appel, Trump avait annoncé que «cette conversation prolongée et très productive» avait permis aux deux parties d'accepter d'entamer des négociations pour mettre fin à la guerre par procuration de l'OTAN, qui dure depuis plus de trois ans. Selon Trump, Poutine et lui se rencontreront bientôt en personne, probablement en Arabie saoudite. Rien n'indique que l'UE ou l'Ukraine seront directement impliquées dans les négociations.
Mercredi également, le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a déclaré que la guerre en Ukraine «doit cesser». Il a exclu une adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et a qualifié d'«irréaliste» un retour à ses frontières d'avant 2014. Ces deux exigences avaient été jusque là au cœur de la politique de l'impérialisme américain et plus largement de l'OTAN dans le conflit avec la Russie. Hegseth a demandé à l'UE d'assurer la «sécurité» de l'Ukraine. Dans le même temps, il a souligné que si des troupes de l'OTAN étaient déployées «en tant que forces de maintien de la paix en Ukraine à un moment donné, elles devraient l'être dans le cadre d'une mission non OTAN et ne devraient pas être soumises à l'article 5 [du traité de l'OTAN]». Cet article stipule que toute attaque contre le territoire ou les forces armées d'un État membre de l'OTAN constitue une attaque contre tous les États membres.
Jusqu'à présent, le régime Zelensky a réagi à l'appel téléphonique entre Trump et Poutine en tentant de sauver la face et s’est présenté en partenaire égal des négociations proposées. Zelensky a déclaré sur les réseaux sociaux: «J'ai eu une conversation longue et détaillée avec le président Trump. J'apprécie l'intérêt sincère qu'il porte à nos opportunités communes et à la manière dont nous pouvons obtenir ensemble une paix réelle. Nous avons discuté de nombreux aspects – diplomatiques, militaires et économiques – et [il] m'a informé de ce que Poutine lui avait dit. Nous pensons que la force de l'Amérique, avec l'Ukraine et tous nos partenaires, est suffisante pour pousser la Russie à la paix.»
Bien qu'il se dise prêt à «travailler avec» l'administration Trump, la récente tournure des événements a clairement aggravé une crise déjà sévère pour le gouvernement Zelensky.
Mardi, le ministre ukrainien de la Défense, Rustem Umerov, a publiquement contredit la déclaration de Hegseth que l'avenir de l'Ukraine n'était pas dans l'OTAN. «Il faut s'habituer à toutes sortes de déclarations. Notre position reste inchangée. Nous voulons être un pays de l'OTAN. Nous serons un pays de l'OTAN», a-t-il insisté.
Avant son appel à Poutine, Trump avait demandé plusieurs fois à l'Ukraine de payer les États-Unis sous forme de «minerais de terres rares» en échange du soutien continu des États-Unis à la guerre par procuration de l’OTAN et au régime fantoche de Zelensky. Mardi, il a annoncé qu'en plus d'une réunion entre Zelensky et Vance, il enverrait le secrétaire au Trésor Scott Bessent pour conclure un accord officiel avec le gouvernement ukrainien afin d'obtenir des «minéraux de terre rare» en échange d’un maintien du soutien américain.
Comme l'a expliqué le WSWS, dans la mesure où Trump et des sections de la classe dirigeante américaine cherchent à régler le conflit, c'est en raison de divisions tactiques sur l'orientation de la politique de guerre des États-Unis. L'objectif déclaré de Trump est d' « étendre» le territoire des États-Unis, notamment par l'annexion du Canada et la saisie du Groenland, du Panama dans les Amériques, et de Gaza au Moyen-Orient. Dans sa justification de l’appropriation du Groenland, Trump a carrément déclaré que l'Arctique était un champ de bataille central dans le conflit opposant les États-Unis à la Russie et à la Chine. Dans ce contexte, tout règlement de la guerre en Ukraine aurait un caractère temporaire et tactique, visant à garantir que l'impérialisme américain se concentre sur d'autres champs de bataille dans la redivision impérialiste du monde en train d’émerger.
La tentative effrontée de Trump de s'emparer des richesses minérales de l'Ukraine est une reconnaissance ouverte des intérêts géostratégiques et économiques de l'impérialisme américain soutendant la guerre, qui a déjà coûté la vie à des centaines de milliers de personnes.
L'Ukraine détiendrait les plus grandes réserves de titane d'Europe, ainsi que d'importants gisements d'uranium. Zelensky a encore évoqué la possibilité d'utiliser les installations souterraines de stockage de gaz de l'Ukraine pour stocker du gaz naturel liquéfié (GNL) américain. C’est là un élément central de la politique énergétique des deux présidences de Trump, les États-Unis cherchant à exclure complètement la Russie du marché européen de l'énergie tout en faisant avancer leurs propres intérêts dans le secteur du GNL.
Dans une interview à Reuters la semaine dernière, Zelensky a répondu positivement aux demandes de Trump concernant les minerais de terres rares: «Si nous parlons d'accord, concluons un accord. Nous sommes tout à fait pour.» Dans le même temps, il demande des «garanties de sécurité» de la part de l'impérialisme occidental comme partie de tout accord visant à assurer la pérennité de son gouvernement soutenu par l'OTAN.
Entre-temps, Trump a continué à se moquer publiquement du gouvernement Zelensky et de son destin alarmant, déclarant mardi dans une interview à Fox News: «Ils (l'Ukraine) peuvent conclure un accord, ils peuvent ne pas conclure d'accord. Ils seront peut-être russes un jour, ou ils ne seront peut-être pas russes un jour».
Dans la même interview, Trump a répété qu'il souhaitait obtenir le meilleur retour possible sur la guerre pour l'impérialisme américain: «Ils ont des terres extrêmement précieuses en termes de terres rares, de pétrole et de gaz, et d'autres choses encore. Je veux que notre argent soit garanti ».
«Je leur ai dit que je voulais l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, et ils ont essentiellement accepté de le faire, de sorte qu'au moins nous ne nous sentons pas stupides. Sinon, nous sommes stupides. Je leur ai dit que nous devions avoir quelque chose. Nous ne pouvons pas continuer à payer tout cet argent», a-t-il ajouté.
Tentant clairement de s'adapter au Trump«faiseur de deals», Zelensky a annoncé mardi qu'il était prêt à échanger des territoires avec la Russie dans le cadre de potentielles négociations.
Après son incursion à Koursk en août, l'Ukraine a continué à maintenir son emprise sur le territoire russe malgré les avancées continues de la Russie dans la région ukrainienne du Donbass et ses propres tentatives d'offensives dans la région de Koursk.
«Nous échangerons un territoire contre un autre», a déclaré Zelensky lors d'un entretien avec le Guardian. Il a refusé de préciser quel territoire il pourrait échanger, déclarant: «Je ne sais pas, nous verrons. Mais tous nos territoires sont importants, il n'y a pas de priorité ».
Si les sondages internes montrent que les Ukrainiens sont de plus en plus disposés à accepter un accord négocié pour mettre fin à la guerre, toute perte de territoire se heurte depuis longtemps à l'opposition farouche des diverses milices d'extrême droite du pays et des unités militaires fascistes officielles, qui jouent un rôle essentiel dans la conduite de la guerre et le soutien au gouvernement ukrainien.
Il est bon de rappeler que Zelensky a été confronté à des manifestations de milliers de fascistes en 2019 dès qu'il a tenté d'avancer vers un règlement négocié avec la Russie du conflit dans l'est de l'Ukraine. Depuis, ces forces n'ont été qu'enhardies par des années de soutien de la part de l'État et de l'OTAN.
Cette semaine, l'ex-ministre des Affaires étrangères Dmitry Kuleba a ouvertement reconnu la position précaire du régime Zelensky, mettant en garde contre la mort politique, et littérale, de toute personne qui tenterait de céder le territoire «ukrainien».
S'adressant aux médias ukrainiens la semaine dernière, Kuleba, l'un des plus anciens membres du régime Zelensky, récemment nommé Senior Fellow au Belfer Center for Science and International Affairs de la Harvard Kennedy School, a lancé ce sombre avertissement: «Une personne qui signe un document renonçant à l'OTAN a encore une chance de survivre physiquement et politiquement, mais une qui signe un accord renonçant à des territoires sera soit tuée, soit sortie de la vie politique».
«Je considère qu'il est extrêmement difficile de trouver des formulations qui décrivent la question territoriale de telle sorte qu'elle mette fin à la guerre et qu'elle ne conduise pas à une révolution intérieure», a ajouté Kuleba.
(Article paru en anglais le 14 février 2025)