L'administration Trump a annoncé qu'après une semaine de menaces et d'intimidations de la part de la Maison-Blanche, 65.000 travailleurs fédéraux ont accepté de quitter leur emploi avant la date limite du 6 février à minuit. Ces « indemnités de licenciement » font partie d'une vaste opération de réduction des effectifs imposée par la Maison-Blanche et le Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE) d'Elon Musk, qui décimera des services publics vitaux, des soins de santé à la protection de l'environnement.
Un juge fédéral du Massachusetts a ordonné un moratoire jusqu’à lundi sur le programme d’indemnités de licenciement. Le tribunal n'a pas statué sur le fond de l'affaire, mais a seulement demandé un délai supplémentaire pour entendre les arguments.
Ces réductions sont effectuées au mépris des pouvoirs constitutionnels du Congrès en matière de dépenses, ainsi que des règles de la fonction publique. Elles visent à amputer le budget fédéral de centaines de milliards pour financer la machine de guerre du Pentagone et accorder de nouveaux cadeaux fiscaux aux plus riches.
Dans une déclaration typiquement brutale, l'attachée de presse de Trump, Karoline Leavitt, a tourné en dérision les employés fédéraux travaillant à domicile, en déclarant : « Ils ne veulent pas venir au bureau. S'ils veulent escroquer le peuple américain, ils sont les bienvenus pour accepter cette indemnité, et nous trouverons des personnes hautement qualifiées pour les remplacer. »
Les indemnités de licenciement au niveau fédéral ne représentent qu'une fraction des emplois visés par Trump. La plupart des 2,3 millions d'employés fédéraux étaient éligibles aux indemnités, à l'exception du personnel militaire américain, des postiers et des personnes travaillant dans le domaine de l'immigration et de la sécurité nationale.
Un large éventail de fonctions gouvernementales vitales seront touchées par ces réductions. Le ministère de l'Éducation, une agence que Trump a menacé d'abolir, est sur la sellette.
L'un des plus grands groupes de travailleurs fédéraux menacés comprend plus de 100.000 infirmières employées par le ministère des Anciens Combattants. La réduction de 10 % des effectifs proposée par Trump aurait un effet dévastateur sur les soins prodigués aux anciens combattants.
La Maison-Blanche prépare également un décret visant à licencier des milliers d'employés du ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS), qui emploie actuellement plus de 80.000 personnes. Cette agence comprend les Instituts nationaux de la santé (NIH), les Centres pour les services Medicare et Medicaid (CMS), la Food and Drug Administration (FDA) et les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).
Le saccage de ces agences aurait des conséquences catastrophiques pour la santé publique, notamment en ce qui concerne la surveillance et la prévention des épidémies, la sécurité alimentaire et la recherche sur le cancer. Ces coupes sont effectuées alors que la pandémie de COVID-19 est en cours, qu'une grave épidémie de grippe s'est déclarée et que la grippe aviaire H5N1 suscite de plus en plus d'inquiétudes.
L'Agence de protection de l'environnement (EPA), qui emploie près de 19.000 personnes, est également visée. L'EPA remplit des fonctions essentielles, telles que la surveillance et la réglementation de l'élimination des déchets dangereux, de la qualité de l'air, de la pollution de l'eau et des produits chimiques. Elle finance également la recherche sur les risques sanitaires liés à l'environnement et sur le changement climatique, et intervient en cas de catastrophes environnementales, telles que les marées noires, les fuites de produits chimiques et les accidents industriels.
Depuis vendredi, plus de 160 employés de l'EPA ont été placés en congé administratif, ce qui constitue la première étape de leur licenciement. Un millier d'autres travailleurs embauchés au cours de l'année écoulée ont appris qu'ils pourraient être « licenciés immédiatement » en vertu du décret de Trump mettant fin aux programmes de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI). Cependant, la grande majorité, voire la totalité, de ces travailleurs ont des emplois qui n'ont rien à voir avec les programmes DEI.
Un employé de l'EPA a déclaré au World Socialist Web Site :
En parlant à mes collègues aujourd'hui, je constate qu'ils sont sous le choc et en colère, mais ils sentent que nous sommes dans une situation totalement nouvelle. L'impensable est en train de se dérouler sous nos yeux.
Les choses que nous tenions pour acquises, qu'il s'agisse d'emplois stables ou de règles constitutionnelles, sont en train de s'effondrer. Les vieilles méthodes auxquelles nous nous sommes accrochés ne suffisent plus. On ne peut pas raisonner avec ces gens. Les démocrates sont inutiles.
Les syndicats ne font rien. Les tribunaux déchirent les droits démocratiques fondamentaux et donnent carte blanche à Trump. Si nous voulons défendre les emplois et mettre fin à la dictature, c'est aux travailleurs de le faire.
Parmi les autres coupes qui auront un impact considérable et désastreux, citons la réduction des effectifs de l'Administration fédérale de l'aviation (FAA), qui gère le système de contrôle du trafic aérien, et de l'Administration de la sécurité sociale (SSA), qui supervise la distribution des prestations de retraite à des millions de travailleurs.
Autre cible, le ministère du Travail (DOL), qui emploie 16.000 personnes et est chargé de veiller à l'application des normes de sécurité et de travail sur le lieu de travail. Les républicains font pression pour supprimer l'OSHA (Occupational Safety and Health Administration), qui fait partie du DOL et qui souffre déjà d'un manque de financement chronique. Pendant ce temps, le DOGE de Musk cherche à accéder aux dossiers du DOL, y compris les rapports d'accidents, les dossiers médicaux, les formulaires de demande d'indemnisation et d'autres informations personnelles sensibles.
La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), qui recueille et partage des informations météorologiques vitales, est également visée. La NOAA abrite le National Weather Service et le National Hurricane Center, qui suivent les tempêtes et avertissent le public des dangers météorologiques qui se profilent à l'horizon.
Selon un rapport d'Axios, des représentants du DOGE sont arrivés mardi dans les bureaux de la NOAA à Silver Spring, dans le Maryland. Sous le prétexte de faire respecter l'interdiction de Trump sur les initiatives de DEI, l'équipe de Musk a pris le contrôle des systèmes informatiques.
« C'est en gros comme si vous faisiez un piratage informatique majeur, mais en le faisant à l'intérieur de l'agence, parce que quelqu'un vous a donné un badge », a déclaré un employé de la NOAA à The Verge. Le Projet 2025 prévoit le démantèlement et la dissolution partielle de la NOAA.
Parmi les autres agences visées par le démantèlement figurent le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), l'Equal Employment Opportunity Commission (EEOC), qui surveille les discriminations sur le lieu de travail, et le National Labor Relations Board (NLRB). Alors que ces agences sont déjà relativement dépourvues de pouvoir, leur élimination vise à supprimer tout ce qui pourrait encore faire obstacle aux profits et à l'exploitation de la main-d’oeuvre.
Parallèlement à l'assaut fédéral contre les travailleurs publics, les administrations des États dirigés par les républicains lancent leurs propres attaques. Dans l'Utah, un projet de loi éliminant la négociation collective pour les employés du secteur public a été adopté par le corps législatif et attend la signature du gouverneur.
Cette loi interdit la négociation collective à tous les niveaux de l'État et des collectivités locales, y compris dans les écoles publiques et les services de pompiers. Il est significatif qu'elle n'interdise pas purement et simplement les syndicats, laissant les bureaucraties en place pour collecter les cotisations tout en réprimant les grèves et autres formes de résistance.
Alors que plus d'un million de travailleurs fédéraux sont syndiqués, l'appareil syndical n'a rien fait pour mobiliser l'opposition aux attaques contre ses membres, si ce n'est conseiller mollement aux travailleurs de ne pas accepter les indemnités. Aucun des principaux syndicats n'a soutenu ou appelé à une manifestation de protestation, sans parler d'une grève organisée.
Signe de l'humeur rebelle des travailleurs de base, en début de semaine, les facteurs de la poste américaine ont voté à une large majorité – 63.680 voix contre 26.304 – pour rejeter une entente de trahison proposée par l'Association nationale des facteurs (National Association of Letter Carriers, NALC). L'accord aurait maintenu des taux de rémunération inadéquats, continué à utiliser des travailleurs temporaires et renouvelé le système de surveillance détesté.
Non seulement les syndicats ne font rien pour s'opposer à cette vague d'attaques sans précédent, mais de larges pans de l'appareil syndical ont également signalé leur empressement à collaborer avec Trump, notamment les Teamsters, les Travailleurs unis de l'automobile (UAW), la Fédération américaine des enseignants et l'Association internationale des débardeurs.
La Fédération américaine des employés du gouvernement (AFGE) a même soutenu la candidate de Trump au poste de ministre du Travail, Lori Chavez-DeRemer, en déclarant de manière absurde : « Elle s'est tenue à nos côtés pour maintenir le financement et le fonctionnement du gouvernement, s'opposer aux tentatives de privatisation et d'affaiblissement des Anciens Combattants, protéger les droits des travailleurs fédéraux sur le lieu de travail, obtenus de haute lutte [...] »
Face à la volonté des oligarques capitalistes de détruire les droits sociaux et démocratiques des masses populaires, il existe une autre force sociale puissante : la classe ouvrière américaine et internationale.
Des signes d'opposition se font jour. Des manifestations nationales ont eu lieu mercredi dans les 50 capitoles des États. Cette initiative n'est pas venue des bureaucraties syndicales pro-patronat ou du Parti démocrate, mais des travailleurs et des jeunes indignés par les attaques contre leurs droits démocratiques et sociaux.
Le pouvoir collectif de millions de travailleurs doit être mobilisé dans une lutte sociale et politique contre l'administration Trump et les milliardaires qu'elle représente. Cela nécessite le développement d'un réseau de comités de base dans les usines et sur les lieux de travail, indépendants de l'appareil syndical et du Parti démocrate, pour mener ce combat.
(Article paru en anglais le 8 février 2025)