Au cours des deux semaines qui ont suivi l'entrée en fonction de Donald Trump, le caractère de son administration en tant que gouvernement de l'oligarchie, pour l'oligarchie est devenu indéniable. Des pouvoirs extraordinaires ont été confiés à l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, au mépris total de la légalité et du processus démocratique.
Le Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE), l'entité que Musk dirige désormais, est le fer de lance d'une vaste opération de démolition visant à démanteler les programmes sociaux, à détruire les emplois et à consolider la dictature des entreprises sur tous les aspects de la société américaine.
Trump a accordé à Musk un contrôle sans précédent sur les données personnelles de pratiquement tous les citoyens américains. Deux des principaux assistants de Musk, désormais désignés comme employés temporaires du Trésor, ont reçu un accès complet au Bureau of Fiscal Service, qui traite plus d'un milliard de transactions fédérales par an, y compris les paiements de la sécurité sociale et d'autres retraites, les paiements et remboursements de l'impôt sur le revenu et les chèques de paie de tous les employés du gouvernement fédéral.
Une décision de justice rendue jeudi après-midi interdit temporairement aux collaborateurs de Musk de partager ces informations avec lui ou d'autres agents du DOGE, dans l'attente d'une audience complète qui aura lieu vendredi. Cependant, la trajectoire de la politique de Trump et des activités de Musk est indubitable. Alors que la Maison-Blanche et le Trésor insistent sur le fait que l'accès du DOGE est en « lecture seule », Musk lui-même s'est vanté que ses assistants intervenaient déjà dans le système de paiement fédéral pour mettre fin à ce qu'il considérait arbitrairement comme des transactions illégales ou frauduleuses.
Certains craignent que les assistants informatiques de Musk ne créent une « porte dérobée » dans le système du Trésor, ce qui permettrait à Trump de contourner le Congrès lors de la prochaine crise budgétaire, qui devrait survenir lorsque les dépenses fédérales atteindront le plafond légal de la dette à la mi-mars. Cela donnerait à la Maison-Blanche un contrôle unilatéral sur les paiements fédéraux. Cela permettrait à Trump de procéder comme il l'a voulu pendant les arrêts des activités gouvernementales (shutdowns) au cours de son premier mandat, sans avoir pu le faire : veiller à ce que les obligations envers les détenteurs d'obligations, les fabricants d'armes et l'appareil de renseignement militaire soient respectées, tout en laissant en plan des programmes essentiels tels que le financement de l'éducation, les remboursements de Medicaid et même les chèques de la sécurité sociale.
Le DOGE a encore élargi son champ d'action en accédant mercredi à certaines bases de données des Centers for Medicare and Medicaid, qui gèrent 1500 milliards de dollars de paiements, soit un quart du budget fédéral. Sans fournir de preuves, Musk a affirmé sur X que Medicare était « l'endroit où se produisent les fraudes les plus importantes ». Si les fonctionnaires du ministère ont commencé à examiner les systèmes de paiement et de contrats, ils n'ont pas encore eu accès aux bases de données contenant des informations personnelles et médicales de près de 150 millions d'Américains.
Sur un autre front majeur de la contre-révolution sociale Musk-Trump, un juge fédéral a temporairement bloqué la date limite de jeudi minuit pour un plan de « démission différée » visant 2,3 millions de travailleurs fédéraux. Un mémorandum de l'Office of Personnel Management, lundi, donnait aux employés seulement trois jours pour opter pour une indemnité de départ, offrant leurs salaires normaux jusqu'au 30 septembre 2025, en échange de leur départ de leur emploi.
Les syndicats d'employés fédéraux ont contesté cette « offre » devant les tribunaux, arguant qu'elle était illégale puisqu'il n'existe aucune garantie de financement fédéral au-delà de la mi-mars, date à laquelle le plafond de la dette devrait être dépassé. Le Congrès n'ayant pas encore adopté de budget pour l'année fiscale en cours, qui se termine le 30 septembre, les travailleurs renonceraient à leur emploi pour une promesse qui pourrait être annulée en l'espace de quelques semaines.
L'administration Trump a affirmé que 50.000 travailleurs avaient souscrit à l'offre de démission différée, mais cela représente moins d'un quart des 200.000 emplois que la Maison-Blanche a décidé d'éliminer. L'offre de départ a apparemment été rédigée par le DOGE et s'inspire d'un mémo similaire que Musk a envoyé aux employés de Twitter après son rachat, ce qui a entraîné des licenciements collectifs et des indemnités d'emplois supprimés.
Le plan de destruction d'emplois vise à dévaster des programmes sociaux essentiels. Par exemple, le plus grand groupe d'employés fédéraux – plus de 100 000 infirmières s'occupant des anciens combattants dans le cadre du ministère des Anciens Combattants – est déjà fortement surchargé de travail, tout comme les infirmières dans l'ensemble du système de santé américain. La suppression de 10 % de ces postes dans le cadre du plan Trump-Musk serait catastrophique pour les patients et pourrait conduire à l'effondrement effectif du ministère.
Les agents du DOGE sont également arrivés à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), qui joue un rôle crucial dans la surveillance des ouragans et d'autres événements météorologiques extrêmes. Pendant ce temps, à l'Agence de protection de l'environnement (EPA), le nouveau chef Lee Zeldin a déjà ciblé 1000 emplois, ordonnant que tous les travailleurs ayant moins d'un an d'ancienneté reçoivent un préavis en vue d'un éventuel licenciement.
Le rôle de Musk dans cette opération de destruction sociale est d'une importance considérable. C'est un sympathisant fasciste déclaré – comme en témoigne son adhésion à l'AfD, le parti néonazi allemand – et l'un des plus puissants bailleurs de fonds de Trump. Le spectacle obscène de l'homme le plus riche du monde réduisant l'aide aux pauvres, aux malades et aux personnes âgées sous prétexte d'éliminer le « gaspillage, la fraude et les abus » n'échappe pas à la classe ouvrière. Musk est devenu l'incarnation de la mainmise de l'oligarchie financière sur la société américaine.
La Maison-Blanche a classé Musk comme « employé spécial du gouvernement », ce qui l'exempte de la plupart des règles relatives aux conflits d'intérêts et à la divulgation d'informations financières. Il est « spécial » d'une autre manière, comme l'ont démontré les républicains de la Chambre des représentants en bloquant une proposition visant à faire témoigner Musk devant la commission de surveillance du gouvernement de la Chambre des représentants au sujet de son rôle dans la restructuration du gouvernement fédéral.
Dans cet environnement, que des adjectifs tels que « cauchemardesque » et « orwellien » semblent tout à fait inadéquats pour décrire, le rôle du Parti démocrate combine collaboration et critiques creuses.
Les dirigeants démocrates du Congrès ont prétendu s'opposer aux attaques de Trump contre les travailleurs fédéraux et les programmes de dépenses sociales, bien qu'ils n'aient rien fait ou presque pour les arrêter.
Le chef des démocrates du Sénat, Chuck Schumer, a condamné le DOGE en ces termes : « Un gouvernement fantôme non élu est en train de mener une prise de contrôle hostile du gouvernement fédéral. » Mais Schumer et d'autres démocrates de premier plan ont attaqué Musk non pas en tant que représentant de la classe des oligarques milliardaires, mais en tant que personne dont les vastes intérêts commerciaux en Chine remettent en question sa loyauté à l'égard de l'impérialisme américain.
L'animateur de MSNBC Lawrence O'Donnell, un allié médiatique clé des démocrates, a posé la question suivante : « Quelles sont les chances qu'Elon Musk permette à ses amis du gouvernement chinois d'en savoir un peu plus ou beaucoup plus sur les rouages du Trésor américain ? Quelqu'un pense-t-il qu'il n'y a aucune chance que cela se produise ? »
Par ailleurs, le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, a rencontré Trump à la Maison-Blanche pendant une heure mercredi, pour discuter des opérations de reconstruction après les incendies désastreux qui ont ravagé Los Angeles.
Newsom a publié un communiqué dans lequel il a déclaré : « Merci, président Trump, d'être venu dans nos communautés pour voir cela de première main et de me rencontrer aujourd'hui pour poursuivre nos efforts conjoints pour soutenir les personnes touchées. » Le gouverneur n'a pas révélé si sa discussion avec Trump portait sur l'effort militaire massif pour surveiller la frontière entre les États-Unis et le Mexique, y compris en Californie, ou sur l'intensification des rafles dans les communautés d'immigrés.
L'attaque massive contre les programmes sociaux, dont les événements de la semaine dernière ne sont qu'une première étape, n'est pas fondamentalement un produit des caractéristiques personnelles de Trump ou de Musk. Il reflète plutôt la physionomie sociale de l'oligarchie capitaliste elle-même. Les efforts de l'administration Trump pour établir le cadre d'un régime dictatorial – menés à travers l'attaque contre les immigrants – sont, dans leur essence, une attaque contre l'ensemble de la classe ouvrière.
Comme l'a souligné le World Socialist Web Site, l'administration Trump représente un réalignement violent de l'État pour qu’il corresponde au caractère social du capitalisme américain.
Il ne peut y avoir de lutte contre Trump et ses politiques fascistes à travers le Parti démocrate, qui, comme les Républicains, est un instrument politique de Wall Street et de l'appareil de renseignement militaire.
La solution réside dans la mobilisation de la classe ouvrière de façon indépendante. Le Parti de l'égalité socialiste est le fer de lance de la lutte pour les comités de base sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans les universités et dans les communautés d'immigrés, afin de mener une contre-offensive contre cette administration fasciste. Nous affirmons que le développement de l'opposition au régime Trump doit être fondé sur l'unité internationale de la classe ouvrière et orienté vers la lutte pour le socialisme, le seul programme capable de vaincre la dictature des oligarques et de réorganiser la société pour répondre aux besoins humains, et non au profit privé.
(Article paru en anglais le 7 février 2025)