La commission d’enquête bidon de Postes Canada s’ouvre à Ottawa

Vous êtes postier ou employé dans le secteur de la livraison ou de la logistique ? Nous vous invitons à contacter le Comité de base des travailleurs des postes à l'adresse canadapostworkersrfc@gmail.com ou en remplissant le formulaire à la fin de cet article.

La Commission d'enquête sur les relations de travail commandée par le gouvernement libéral pour formuler des recommandations sur la restructuration des activités de Postes Canada s'est ouverte à Ottawa cette semaine avec deux audiences successives les 27 et 28 janvier. D'autres audiences sont prévues en février et en mars, et le ministre du Travail, Steve MacKinnon, doit présenter son rapport final d'ici le 15 mai, soit une semaine avant l'expiration de l'interdiction de grève imposée par le gouvernement à 55.000 travailleurs postaux.

Les travailleurs postaux ne doivent pas se faire d'illusions : la commission dirigée par l'arbitre fédéral chevronné William Kaplan vise à produire un plan de saccage de leurs emplois et de leurs conditions de travail. En fait, la Commission d'enquête est truquée en faveur de l'employeur et du gouvernement, qui conspirent avec la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) contre les postiers afin d'approuver sans discussion la restructuration que la direction de Postes Canada juge nécessaire pour redevenir rentable.

Les origines de la commission montrent clairement qu'il s'agit d'un instrument de l'assaut de la classe dirigeante contre les emplois et les conditions de travail. Elle a été créée en tant qu'élément clé de l'initiative du gouvernement libéral Trudeau visant à briser la grève en décembre, qui a mis fin au débrayage de 55.000 travailleurs des usines de tri postal et des facteurs urbains et ruraux après quatre semaines, et a prolongé unilatéralement leurs conventions collectives expirées jusqu'au 22 mai. Alors que les postiers de la base se voient interdire toute grève pendant la durée de la commission, les conspirateurs peuvent préparer leurs attaques et publier leur rapport final, qui sera présenté comme un fait accompli par une « tierce partie experte ».

Travailleurs de Postes Canada sur le piquet de grève à Niagara-on-the-Lake, Ontario, le vendredi 15 novembre

Invoquant des pouvoirs manifestement illégaux et nouvellement créés en vertu de l'article 107 du Code canadien du travail, MacKinnon a ordonné au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), qui n'est pas élu, d'émettre une ordonnance interdisant la grève. En même temps, MacKinnon a créé la Commission d'enquête sur les relations de travail et lui a donné un large mandat pour recommander des changements à la convention collective entre Postes Canada et le STTP, ainsi qu'à ses activités commerciales en général.

Tout au long des négociations contractuelles, qui ont débuté l'an dernier et qui ont duré plus de 100 séances, Postes Canada a plaidé la pauvreté pour justifier son programme agressif de réduction des coûts. Soutenue par les grands médias, elle a mis en avant des pertes de 3 milliards de dollars depuis 2018 et le passage des lettres aux colis pour expliquer pourquoi elle ne peut pas satisfaire aux demandes des travailleurs qui réclament des augmentations de salaire significatives et la sécurité d'emploi. Le gouvernement libéral a accordé à Postes Canada un prêt d'un milliard de dollars la semaine dernière, après que la direction a déclaré qu'elle serait à court de liquidités pour poursuivre ses activités d'ici le milieu de l'année. Le prêt servira à rembourser les détenteurs d'obligations et a sans aucun doute été accordé à la condition que Postes Canada réduise les emplois et les conditions de travail afin de faire baisser considérablement ses coûts de main-d'œuvre.

L'appareil du STTP a complètement capitulé devant l'ordre de retour au travail, faisant taire les demandes de la base pour défier l'ordre anti-grève illégitime du gouvernement libéral. L'interdiction, la quatrième du genre en six mois, a été mise en œuvre sans même la feuille de vigne démocratique d'une législation parlementaire.

Postes Canada et le gouvernement libéral minoritaire n'auraient jamais pu s'en tirer avec cette sévère provocation sans la connivence du STTP, qui a ramené ses membres au travail. La bureaucratie syndicale a également adopté la Commission d'enquête sur les relations de travail, la présentant comme un moyen pour les travailleurs de se faire entendre par la direction et le gouvernement. La présidente du STTP, Jan Simpson, a déclaré aux travailleurs, dans une lettre envoyée le mois dernier, que la Commission d'enquête présenterait « des discussions critiques sur l'avenir de Postes Canada et les questions qui nous importent à tous ».

Cependant, loin d'être un processus ouvert permettant aux travailleurs de se faire entendre, la commission se limite aux témoignages publics des représentants de la direction de Postes Canada et de la bureaucratie du STTP. Les travailleurs de la base ont été informés qu'ils pouvaient suivre les audiences sur une diffusion en ligne Zoom limitée à 1000 téléspectateurs – moins de 2 pour cent de la main-d'œuvre concernée – et qu'ils devaient soumettre des commentaires écrits par courriel avant la date limite du 14 février.

Au cours de la première journée de témoignages, les deux parties ont clairement indiqué qu'elles s'engageaient à rendre Postes Canada rentable, le STTP soutenant l'expansion des livraisons de nuit et de fin de semaine, à condition que cela ne se fasse pas au détriment des « bons emplois ». Le syndicat a également présenté une liste d'initiatives non postales qui, selon lui, pourraient augmenter les revenus et contribuer à faire de Postes Canada une entreprise rentable. Il s'agit notamment d'installer des chargeurs électriques sur les terrains des bureaux de poste et de mettre en place un programme de surveillance pour les personnes âgées.

Pendant ce temps, le PDG de Postes Canada, Doug Ettinger, s'est plaint de « notre structure et de nos règles de travail obsolètes qui nous freinent sur le marché de la livraison extrêmement compétitif d'aujourd'hui ». La direction cherche à étendre considérablement son utilisation de travailleurs à temps partiel et temporaires faiblement rémunérés, une « Amazonification » de ses opérations qui a été à juste titre catégoriquement opposée par les travailleurs actuels.

« Postes Canada se trouve actuellement à un tournant décisif », a réaffirmé Ettinger. «Nous devons redévelopper notre modèle d'exploitation. Il s'agit d'un modèle d'exploitation démodé qui, dans le marché hyperconcurrentiel du commerce électronique d'aujourd'hui, nous empêche d'aller de l'avant. »

Rindala El-Hage, directrice financière de Postes Canada, a indiqué que l'entreprise, qui dépend de la vente de timbres-poste et d'autres services postaux pour financer ses activités, s'attend à perdre 900 millions de dollars en 2025 et 6,9 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Ces projections sont destinées à préparer le terrain pour la réduction des coûts de main-d'œuvre par une attaque en règle contre les emplois et les salaires des travailleurs, et pour de nouvelles coupes dans les services postaux, présentées comme le seul moyen de « sauver » Postes Canada.

Bien que Simpson se soit plainte dans ses remarques que le processus établi par MacKinnon était « biaisé » en faveur de la direction et que Postes Canada ne disait pas tout, elle a tout de même approuvé la commission. « Malgré nos réticences à l'égard de ce processus, le STTP apprécie toute occasion de discuter du bureau de poste public et des contributions de nos membres », a déclaré Simpson.

À chaque étape, l'appareil du STTP s'est efforcé de maintenir les travailleurs prisonniers du carcan de la négociation collective réglementée par l'État, qui est conçue pour favoriser grossièrement la direction au détriment des travailleurs, tout en accordant certains privilèges à la bureaucratie syndicale.

Parmi les personnes qui ont témoigné le premier jour au nom du STTP figurait l'avocat Paul Cavalluzzo, spécialiste du droit du travail. Il a indiqué que le syndicat cherchait à contester l'ordonnance de retour au travail du gouvernement/CCRI, qui a simultanément établi la commission, comme une violation de la garantie de la liberté d'association de la Charte des droits et libertés, un droit qui comprend le droit à la négociation collective et le droit de grève. Néanmoins, Cavalluzzo a déclaré que les deux parties devaient « accepter les règles envisagées ».

Un peu plus d'une semaine auparavant, le 17 janvier, le STTP annonçait que la reprise des négociations contractuelles avait été rompue parce que Postes Canada exigeait que le syndicat abandonne sa contestation judiciaire de la constitutionnalité de l'utilisation de l'article 107 pour criminaliser la grève.

Un postier qui a écouté les remarques préliminaires de la société a déclaré au WSWS : « On dirait qu'ils font un éloge funèbre », en référence au ton sombre et délibéré de la direction. Un autre travailleur a fait remarquer que « l'entreprise donne l'impression qu'elle n'a plus d'argent et que les lumières peuvent s'éteindre à tout moment : une sorte d'ambiance “Nous nous soucions profondément de nos employés mais nous devons apporter des changements importants et impopulaires à leur travail” ».

Ian Lee, professeur de gestion à l'université de Carleton et ancien cadre de Postes Canada, a présenté à CBC News, au début du mois, un scénario de vente des principales composantes du bureau de poste, ce qui est certainement envisagé par le commissaire Kaplan et la direction de l'entreprise. Il a expliqué que le bureau de poste pourrait être réduit à un squelette de ses opérations actuelles, avec une opération croupion, subventionnée par les contribuables, axée sur les livraisons aux régions rurales et éloignées. Dans le même temps, les opérations postales urbaines seraient confiées à des coursiers à but lucratif, et les itinéraires de livraison seraient supprimés au profit de boîtes postales situées à l'intérieur des chaînes d'épiceries et de pharmacies. Dans un article paru l'année dernière dans le Globe and Mail, Lee a indiqué que plus de 20.000 emplois à temps plein pourraient être supprimés au profit de travailleurs à temps partiel temporaires et permanents.

Les travailleurs ne peuvent se permettre d'attendre que la Commission présente son inévitable proposition de démantèlement de Postes Canada avant de passer à l'action. Ils doivent agir maintenant pour reprendre le contrôle de leur lutte à la bureaucratie du STTP. Les travailleurs des postes ne sont pas simplement impliqués dans une lutte contractuelle, ils sont confrontés à la politique de guerre de classe de l'ensemble de la classe dirigeante, qui veut décimer Postes Canada et tous les services publics afin de réorienter les ressources vers le réarmement de l'armée, la guerre et l'enrichissement des super-riches. Les travailleurs de Postes Canada doivent donc appeler à une lutte commune avec de plus larges sections de la classe ouvrière pour des emplois décents et sûrs pour tous et des services publics et sociaux entièrement financés.

Les moyens d'organiser et de coordonner une telle lutte sont fournis par le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP). Les comités de base offrent un forum aux travailleurs sur le terrain pour défendre leurs revendications, basées sur les besoins réels des travailleurs, et non sur ce que la direction dit être abordable. Des comités de base similaires ont été créés par les travailleurs des postes et de la livraison aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Australie. Ils sont affiliés à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base, qui assure la direction organisationnelle et politique de la contre-offensive mondiale de la classe ouvrière, nécessaire pour repousser les exigences des patrons et mettre les vastes ressources de la société à la disposition des besoins sociaux des travailleurs, et non de l'oligarchie des super-riches.

En novembre, le CBTP a présenté un programme appelant à :

1. Une augmentation de salaire de 30 % pour compenser les années de concessions et pour permettre aux travailleurs de contrôler le déploiement des nouvelles technologies.

2. Élargir notre lutte à d'autres sections de travailleurs à travers le Canada afin de défier une loi de retour au travail ou toute autre interdiction de grève antidémocratique imposée par l'État.

3. Lancer une lutte politique qui rejette le fait que Postes Canada soit gérée comme une entreprise à but lucratif, et faire de notre lutte contractuelle le fer de lance d'une contre-offensive menée par les travailleurs pour défendre des services publics entièrement financés et les droits des travailleurs, et contre l'austérité et la guerre.

Tous les travailleurs de Postes Canada qui veulent lutter contre l'assaut du gouvernement et de la direction doivent se libérer du système de « négociation collective » pro-patronal qui leur est imposé par l'appareil du STTP. Pour ce faire, ils doivent adhérer au CBTP et former des comités dans leurs dépôts et lieux de travail partout au Canada. La lutte à Postes Canada doit devenir le fer de lance d'une contre-offensive de la classe ouvrière pour la défense des services publics entièrement financés et des droits des travailleurs, et contre l'austérité et la guerre. Tous ceux qui travaillent à Postes Canada et qui sont intéressés par cette perspective devraient remplir le formulaire ci-dessous pour discuter de la lutte qui doit être menée.

(Article paru en anglais le 31 janvier 2025)

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