En pleine crise du logement au Québec:

Le gouvernement Legault sabre dans l’aide aux personnes vulnérables

Sans la moindre annonce officielle, le gouvernement du Québec a déposé en ligne plus tôt cet été son quatrième Plan quinquennal supposément voué à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Son contenu essentiel s’exprime dans un seul chiffre: l’enveloppe de 750 millions de dollars pour «consolider le soutien alloué aux besoins des personnes vulnérables» est 4 fois moins que les 3 milliards annoncés lors du dépôt du dernier plan.

Avec ce «plan», la Coalition Avenir Québec (CAQ), menée par le multimillionnaire et ex-homme d’affaires François Legault, signale sans surprise que rien ne sera fait pour contrer ou atténuer les inégalités sociales en forte hausse.

L’élite dirigeante n’a que du mépris pour les sections les plus vulnérables et les plus pauvres de la société, comme les étudiants, les ainés, les gens avec des problèmes chroniques de santé et surtout les personnes en situation d’itinérance. Ces dernières sont présentes dans tous les groupes sus-mentionnés et sont un baromètre important de la crise sociale.

Plusieurs organismes communautaires ont dénoncé le plan de la CAQ qui «condamne les personnes en situation de pauvreté à y rester».

Une protestation à Montréal en mai dernier pour exiger des logements abordables (crédit photo: page Facebook de François Saillant)

Selon les plus récentes données du ministère de la Santé et des Services sociaux, le nombre de personnes sans-abri visibles dans la province est passé de 5.789 en 2018 à 10.000 en octobre 2023, soit une hausse de 44%.

Si la crise était auparavant surtout concentrée dans les quartiers centraux des grandes villes comme Montréal et Québec, aujourd’hui le phénomène s’est étendu dans les banlieues périphériques et même dans les régions les plus éloignées. Selon des données recueillies par La Presse auprès de 20 villes et agglomérations de la province en 2023, 726 campements ont été recensés, dont 600 ont été démantelés par les autorités, de Val-d’Or en Abitibi à Saint-Georges-de-Beauce.

La hausse de l’itinérance touche tout le Canada (Les campements de sans-abris prolifèrent à travers le Canada) et le monde entier. Selon les dernières statistiques officielles, le nombre de personnes sans abri aux États-Unis a crû de 12% par rapport à l’année précédente pour s’établir à 653.000 personnes, tandis qu’en Allemagne en 2022, 607.000 personnes étaient sans abri.

La poussée de l’itinérance s’explique en bonne partie par l’abandon des politiques de logements abordables et la hausse marquée du coût des habitations, elle-même un produit de l’orgie de spéculation financière dans l’immobilier par les gros gestionnaires de fonds.

Les taux d’inoccupation des logements sont parmi les plus faibles depuis des décennies. Si l’on estime le point d’équilibre à 3 ou 4% pour permettre une rotation des ménages, tenir compte des préférences et rénover les logements vétustes, le taux se situe actuellement à 1,3% au Québec et à 1,5% au Canada – du jamais vu en 20 et 36 ans respectivement selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Dans bien des villes, les taux sont inférieurs à 1%, voire nuls. Autrement dit, l’insuffisance de logements atteint le stade de pénurie chronique.

Pour les logements actuellement disponibles, leurs prix ont connu des hausses fulgurantes dans la dernière période. Entre 2021 et 2022 au Québec, le prix d’un logement de deux chambres, a bondi de 7,7%, soit la plus forte hausse depuis 1990. À l’échelle nationale en 2023, les loyers ont augmenté de 8%, atteignant même 14,8% à Calgary.

La situation est encore pire pour les nouveaux arrivants sur le marché locatif. Dans les régions urbaines de plus de 100.000 habitants, les experts du milieu parlent d’une augmentation de 17% au Québec et de 24% au Canada uniquement entre octobre 2022 et octobre 2023. À titre indicatif, le loyer moyen pour un appartement de deux chambres atteint 1310$ à Montréal, 1771$ à Calgary, 2405$ à Toronto et 2601$ à Vancouver.

En plus des prix déjà trop élevés, plusieurs ménages doivent composer avec des problèmes d’insalubrité, tels que la présence de vermine, de parasites (punaises de lit et coquerelles) ou de moisissures, tandis que d’autres sont obligés de vivre dans des logements surpeuplés. La crise est si aiguë dans certaines villes que la colocation a cédé la place au phénomène de chambres partagées. À Toronto, plusieurs sont réduits à louer une demi-chambre, soit un lit simple, avec des inconnus, pour 500$ par mois.

Et c'est sans parler du coût des maisons qui est devenu inaccessible pour la plupart des ménages de la classe ouvrière. Le salaire médian était d’environ 63.000 $ au pays en 2023 et le prix médian national dune maison devrait atteindre 710.468 $ en 2024 selon l’Association canadienne de l'immobilier (ACI).

Le gouvernement Legault, après avoir passé son premier mandat à nier la crise du logement, a ensuite invoqué celle-ci pour déréglementer l’industrie de la construction au détriment des conditions et de la sécurité des travailleurs, de la qualité des logements et de l’environnement, et pour permettre aux riches entreprises de construction de produire le type de logement qu’elles jugent le plus rentable.

Des lois permettent aux propriétaires de transformer leurs logements en Airbnb pour obtenir des revenus plus élevés, alors que d’autres pratiquent la «rénoviction», une méthode qui consiste à expulser les locataires en invoquant des « travaux importants » pour ensuite augmenter massivement les loyers.

Certains exploitent même l’ignorance des normes et l’insécurité des populations vulnérables et/ou immigrantes pour s’enrichir. Dans la construction neuve, la spéculation immobilière s’est infiltrée sur le marché, transformant le logement en simple investissement immobilier sans considération pour sa fonction première d’habitation.

Les profits ont monté en flèche pour les entreprises de construction et leurs bailleurs de fonds, mais les mises en chantier ont diminué – de 7 % au Canada et de 32 % au Québec, rien qu’en 2023.

Selon la SCHL, ce sont 3,5 millions de logements supplémentaires qui doivent être construits d’ici 2030 au pays pour rétablir l’abordabilité, dont 860.000 logements au Québec. Au niveau du logement social, les maigres 6.000 logements annoncés lors des dernières élections, qui étaient en réalité le reste des 11.700 logements annoncés lors de la première campagne, n’ont même pas encore tous été financés.

Les réformes limitées en matière de logement, comme les «maisons de vétérans» dans les années 1940 ou la construction d’habitations à loyer modique (HLM), qui n’ont jamais représenté plus de 5 pour cent du marché locatif, sont loin derrière nous.

Dans les années 1990, s’inscrivant dans des coupes massives à l’échelle mondiale dans les services publics, le gouvernement fédéral conservateur de Brian Mulroney puis le gouvernement libéral de Jean Chrétien ont mis un terme à la production de logements sociaux. Ils ont cédé la majorité de leur parc immobilier aux provinces et aux municipalités, qui ont créé leurs propres offices municipaux d’habitation.

L’austérité étant demeurée d’un gouvernement à l’autre, les logements existants se sont dégradés à un point tel qu’en 2022, 40,2% des HLM de la province de Québec, et 75% des HLM de Montréal, nécessitaient des travaux majeurs.

L’élite dirigeante n’a aucune solution à offrir à la crise du logement ou aux autres problèmes sociaux. Cherchant à diviser les travailleurs sur des lignes ethniques et linguistiques, elle blâme plutôt les populations immigrantes pour le manque de logement et la détérioration des services publics.

Mais, les immigrants ne sont pas une source de dépense. Comme pour le travail de toute la classe ouvrière, ils sont d’abord et avant tout une source de création de richesse. Ceux qui bloquent le développement de la société sont les capitalistes et leurs représentants politiques, car ils monopolisent cette richesse et subordonnent tout à leur recherche de profits.

Et c’est sans parler du fait que l’importante hausse du nombre de réfugiés dans la dernière décennie est le résultat de la violence impérialiste qui sévit dans plusieurs régions du globe, notamment au Moyen-Orient et en Ukraine, et de la pauvreté qui est infligée par ces mêmes centres impérialistes, dont le Canada fait partie, aux pays les plus pauvres.

Dans une société rationnelle, gérée démocratiquement par ceux qui construisent les logements, c’est-à-dire les travailleurs, des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes seraient mobilisées pour planifier et construire des logements adéquats et de haute qualité pour tous, en fonction des prévisions démographiques.

Mais, cela est totalement impossible sous le capitalisme, où tout est subordonné aux profits privés d’une minorité et où l’immense hausse de la productivité engendrée par la mondialisation est entravée par la division du monde en États-nations rivaux. La lutte pour que le logement devienne un droit social est donc indissociable de la lutte pour le socialisme, c’est-à-dire la réorganisation de la société sur la base des besoins humains.

Loading