Révolution Permanente soutient le piège tendu par l’alliance NFP-Macron aux travailleurs

L’organisation moréniste Révolution permanente (RP) appelle à un «vote critique» en faveur du Nouveau Front Populaire (NFP) dirigé par Jean-Luc Mélenchon, qui a fait campagne cette semaine pour former un gouvernement de coalition avec les partisans d’Emmanuel Macron. Ceci démasque les prétensions révolutionnaires de RP. C’est un parti petit-bourgeois qui sert comme le NFP à bloquer l’opposition ouvrière à Macron et à ses politiques de guerre et d’État policier.

La présentation par RP elle-même du NFP indique clairement que c’est une organisation droitière profondément liée à Macron. Certaines composantes du NFP véhiculent ouvertement la politique de Macron, mais toutes sont hostiles à un programme et à une stratégie révolutionnaires. Dans « Second tour des législatives: ni extrême-droite, ni tambouille avec la macronie!», RP écrit:

tout en dénonçant le projet du NFP, nous ne renvoyons pas dos-à-dos l’ensemble de ses composantes. EELV et surtout le PS sont des organisations bourgeoises profondément intégrées au régime de la Vème République qui, lorsqu’elles ont été au pouvoir, ont été parmi les meilleurs agents du MEDEF. Demain, elles n’hésiteront pas à appliquer la même politique que la macronie si l’occasion se présente, aucune voix ne peut leur être donnée.

Pour les autres organisations qui composent le NFP, les coordonnées locales et le contexte de deuxième tour peuvent justifier un vote critique pour leurs candidats. Celui-ci doit cependant être sans illusion sur le rôle de ces organisations, dont nous ne partageons ni le programme ni la stratégie.

Mais il est impossible de réconcilier une opposition révolutionnaire à Macron et à Le Pen avec un soutien au NFP. Le NFP tente de former une alliance gouvernementale avec Macron et, ainsi, de bloquer un mouvement des travailleurs et des jeunes contre Macron et Le Pen. Il n’est pas difficile de prévoir que cette décision de céder encore une fois à Le Pen le terrain de l’opposition à Macron renforcera la montée électorale des néofascistes.

Le programme du NFP appelle à envoyer des troupes maquillées en «casques bleus» en Ukraine et à un renforcement de la gendarmerie et du renseignement. Le PS sous la présidence de Hollande a mené une politique d’extrême droite en réprimant les Roms, les migrants et les musulmans. Hollande a instauré l’état d’urgence et a tenté d’inscrire dans la constitution la déchéance de la nationalité. Le PS a mené des guerres néocoloniales dans le Sahel et soutient explicitement la guerre en Ukraine et le génocide israélien à Gaza.

La guerre contre la Russie a dicté le calendrier des élections anticipées en France comme au Royaume-Uni. Ces élections se finiront juste avant le sommet de l’Otan le 9 juillet à Washington pour planifier l’intervention de l’Otan en Ukraine contre la Russie. Mais RP, qui reste silencieux sur les préparatifs de guerre de l’impérialisme et le soutien du NFP à la guerre, fait partie de la machine médiatique officielle qui tente d’endormir les travailleurs et les jeunes face au danger de guerre.

RP fait l’aveu que le NFP est hostile à la classe ouvrière, mais refuse néanmoins de s’y opposer. En effet, c’est que RP ne représente pas les travailleurs, mais des couches des classes moyennes liées aux appareils syndicaux qui, comme le NFP, veulent imposer aux travailleurs des alliances mortifères avec des représentants de la classe capitaliste. Appelant à construire des mobilisations syndicales qui serviraient de force d’appoint aux partis bourgeois dans le NFP, RP écrit:

Un tel front devrait chercher à construire la riposte par en bas face à Macron et l’extrême-droite, en unifiant les forces immenses de notre classe, en toute indépendance du régime. Celles-ci se sont exprimées dans les luttes depuis 2016, à l’image des millions de manifestants et grévistes qui se sont opposés à la réforme des retraites du gouvernement Borne il y a un an, et dépassent de très loin les frontières de l’électorat du NFP.

Or, la mobilisation politique révolutionnaire de la classe ouvrière «en toute indépendance du régime» nécessite précisément de s’opposer aux forces qui, comme le NFP, se présentent en amis du «peuple» pour ensuite exiger que les travailleurs s’inclinent devant la classe capitaliste.

La lutte contre la réforme des retraites démontre la faillite de la politique prônée par RP, de bâtir des mobilisations liées aux partis capitalistes. Deux Français sur trois voulaient stopper la réforme et bloquer l’économie par la grève générale, mais RP a affirmé que la situation n’était pas révolutionnaire, et que les travailleurs devaient faire des expériences avec la démocratie bourgeoise. RP s’est alignée sur les appareils syndicaux qui ont étouffé la lutte en stoppant les mobilisations après l’approbation de la réforme par le Conseil constitutionnel.

Il est impossible d’expliquer la montée du vote néo-fasciste sans comprendre l’impact de telles manœuvres réactionnaires sur la conscience ouvrière. RP avoue que la lutte contre la réforme des retraites avait mobilisé bien au-delà de l’électorat du NFP. Mais en clair, beaucoup des travailleurs qui se sont mobilisés contre la réforme des retraites ont voté pour l’extrême-droite par dépit et par dégoût après une énième démobilisation syndicale de luttes contre l’austérité.

RP justifie son soutien au NFP avec l’argument que la présence d’organisations staliniennes dans le NFP imposerait aux travailleurs de le reconnaître comme étant une organisation ouvrière. Pour justifier son appel à un «vote critique» pour les alliés NFP de Macron, RP déclare:

Si le PCF a participé comme force d’appoint à plusieurs gouvernements de gauche, ce parti se réclame du mouvement ouvrier et conserve une certaine base ouvrière héritée de son passé ou des quelques liens maintenus avec le syndicalisme. Cependant, il est loin de s’opposer aux discours sécuritaires, xénophobes et islamophobes du gouvernement, qu’il alimente même parfois en reprenant ces thématiques. LFI, de son côté, a maintenu ces dernières années une ligne d’opposition plus marquée à l’autoritarisme, au racisme d’Etat ou à la criminalisation du soutien à la Palestine. Cependant, elle porte une énorme responsabilité dans l’opération politique en cours, qui réhabilite le centre de l’échiquier politique.

Si le Front populaire a été une alliance antifasciste dont plusieurs composantes avaient une base de masse dans la classe ouvrière, ceci ne justifie pas un soutien à l’alliance Macron-Mélenchon. Le NFP et le stalinisme français des années 2020 ne sont pas le Front Populaire et le PC des années 1930.

Le mouvement trotskyste s’est opposé avec raison au Front populaire de 1934-1938 qui rassemblait le Parti radical bourgeois, la SFIO social-démocrate, et le PC stalinien. Celui-ci a bloqué une lutte révolutionnaire de la classe ouvrière pour le pouvoir lors de la grève générale de 1936 et ouvert le chemin à la collaboration de la bourgeoisie française avec le nazisme. L'appareil stalinien français a joué un rôle central dans l'assassinat de Trotsky et de dirigeants de la IVe Internationale.

Mais le PCF a subi la perte totale de la base ouvrière qu'il avait dans les années 1930 et même 1970. 30 ans après la dissolution stalinienne de l'URSS, c’est une coquille vide, une bureaucratie petite-bourgeoise qui étrangle les travailleurs. C’est pour cela que l’appareil du PCF peut adopter des positions ouvertement sécuritaires et xénophobes, comme l’avoue RP, pour s’allier avec La France insoumise, le parti de Mélenchon qui tente de réhabiliter Macron.

Un soutien «critique» à l’alliance Macron-Mélenchon naissante n’est pas un vote «antifasciste». Macron a déclaré ses sympathies pour le dictateur collaborationniste Pétain, qu’il a traité de «grand soldat». Il a nommé au ministère de l’Intérieur Gérald Darmanin, un sympathisant de l’Action française pétainiste et qui dirige depuis des années la répression policière des travailleurs en lutte tout en déclarant qu’il n’aime pas voir la nourriture halal ou kachère dans les marchés.

Si RP est incapable de défendre une politique indépendante de la classe ouvrière, c’est parce que RP partage la même base sociale, à savoir les classes moyennes aisées que l’on retrouve dans les milieux universitaires et dans la bureaucratie syndicales, que les organisations du NFP.

Jusqu’en 2021, RP était une fraction au sein du NPA pabliste, dont une fraction a rejoint le NFP. Comme les ancêtres pablistes du NPA, qui ont rompu avec le trotskysme et le Comité international de la IVe Internationale (CIQI) en 1953, RP s’oriente vers une ascension à l’intérieur les bureaucraties staliniennes. Pour expliquer leur orientation en particulier vers un travail dans la bureaucratie de la CGT, RP a écrit:

Dans le contexte du recul du PCF au sein de la CGT et de crise de renouvellement militant, des jeunes syndicalistes peuvent se retrouver assez vite en responsabilité d’organisations ou structures syndicales importantes. Or, ceux-ci émergent dans un contexte post-mouvement des Gilets jaunes, qui a ouvert une crise dans le syndicalisme, affaiblissant les barrières imposées par la bureaucratie entre le syndical et le politique, et modelant cette nouvelle génération de militants ouvriers.

Tout révolutionnaire digne de ce nom devrait prêter la plus grande attention à ce phénomène, et chercher à tout prix à confluer avec cette nouvelle génération.

L’étranglement de la lutte contre la réforme des retraites l’année dernière par les bureaucraties syndicales et à présent l’intégration du PCF et de Mélenchon dans le NFP orienté vers Macron témoigne de la faillite de la perspective politique et historique de RP.

La guerre et la réaction fasciste ne peuvent être stoppées qu’en mobilisant la classe ouvrière en France et à l’international, indépendamment des bureaucraties staliniennes, en lutte contre le capitalisme. On ne les arrêtera pas dans les urnes. Ce qui se prépare, quel que soit le résultat de ces élections, est un affrontement explosif entre la classe ouvrière et tout l’establishment capitaliste. Les appels creux à un «vote critique» pour le NFP souligne la crainte de la part de RP d’une opposition ouvrière explosive contre la guerre, le RN et une coalition Macron-NFP.

Cependant, les travailleurs ne peuvent mener à bien une telle lutte qu’en construisant un mouvement d’en bas, parmi les travailleurs de la base, indépendamment des appareils du NFP mais aussi du rôle joué par les tendances comme RP qui soutienne le NFP. La base politique d’une telle lutte est la lutte du CIQI et de sa section française, le PES, contre la pseudo-gauche et pour l’héritage de la lutte trotskiste pour la révolution socialiste internationale.

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