La première tranche de l'échange d'otages contre des prisonniers palestiniens entre Israël et le Hamas s'est déroulée vendredi. On été libérés 13 femmes et enfants israéliens, ainsi que de 12 ressortissants thaïlandais, libérés dans le cadre d'un accord distinct. En contrepartie, 24 femmes et 15 mineurs palestiniens sont sortis des prisons israéliennes.
Un vol spécial a également permis d'évacuer plus de 100 ressortissants russes de Gaza, ce qui porte le nombre total d'évacués russes à plus de 750.
L’accord sur les otages et la pause de quatre jours dans les bombardements aériens, conclu sous la médiation du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis, devrait voir le Hamas rendre 50 femmes et enfants à Israël en échange de 150 prisonniers palestiniens. Toute autre libération d’otages doit entraîner une journée supplémentaire sans bombardement.
Anticipant ce qui, selon Israël, n’est pas un cessez-le-feu, mais une «pause opérationnelle», le «World Socialist Web Site» a écrit jeudi que l’accord conclu donnait essentiellement à Israël le temps de «recharger ses armes pour la prochaine étape de son nettoyage ethnique de l’enclave».
Au milieu d’une couverture médiatique omniprésente de l’échange d’otages contre des prisonniers, les principaux dirigeants militaires et politiques d’Israël ont clairement indiqué que c’était là leur seule intention.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a été obligé de faire quelque chose pour obtenir la libération des otages, face aux critiques intérieures croissantes et à l’insistance du gouvernement Biden, qui estimait qu’une brève pause dans l’horrifiant assaut contre Gaza et un échange de prisonniers aideraient l’Égypte, le Qatar et d’autres régimes arabes à se préserver de la colère populaire face à leur refus d’aider Gaza. Mais cela n’implique aucun changement dans l’objectif d’Israël qui est le massacre en grand des Palestiniens et le nettoyage ethnique de Gaza, avant son annexion définitive.
Le ministre de la défense Yoav Gallant a déclaré jeudi qu'une fois finie la «courte trêve», la campagne militaire reprendrait «avec intensité» pendant au moins deux mois de plus. «Ce répit sera de courte durée», a déclaré Gallant aux troupes du commando d’élite de la marine Shayetet 13. «Ce qu’on attend de vous pendant ce répit, c'est que vous vous organisiez, que vous vous prépariez, que vous enquêtiez, que vous vous réapprovisionniez en armes et que vous vous prépariez à continuer.
Plus tard dans la journée, le chef d’état-major des Forces de défense israéliennes (FDI), le lieutenant-général Herzi Halevi, a déclaré aux commandants lors d’une visite à Gaza: «Nous ne mettons pas fin à la guerre. Nous continuerons jusqu’à ce que nous soyons victorieux, en avançant et continuant dans d’autres zones du Hamas».
S’adressant aux Palestiniens, le porte-parole militaire israélien Avichay Adraee a déclaré vendredi dans un message en arabe posté sur X, ex-Twitter: «La guerre n’est pas encore terminée... Le nord de la bande de Gaza est une zone de guerre dangereuse et il est interdit de se déplacer vers le nord».
Vendredi soir, le ministre de la guerre Benny Gantz a déclaré à Tel-Aviv lors d’un rassemblement de solidarité avec les familles des otages israéliens à Gaza: «Nous ne nous arrêterons pas, nous reprendrons les efforts et l’action militaire à Gaza pour récupérer les otages et restaurer la dissuasion». Gantz était l’un des leaders autoproclamés du mouvement d’opposition de masse à Netanyahou, qui a maintenant rejoint le gouvernement.
Les actions d’Israël avant et durant la journée de vendredi s’inscrivaient parfaitement dans des préparatifs pour un assaut militaire intensifié contre Gaza.
Le report du début de la «pause» a donné aux FDI le temps de bombarder et d’assassiner à volonté. Dans les heures précédant son début, vendredi matin à 7 heures, plus de 300 cibles ont été frappées depuis les airs, tuant des dizaines de personnes. Le ministère de la santé de Gaza a déclaré que 27 personnes avaient été tuées lors d’une frappe sur une école affiliée à l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dans le camp de réfugiés de Jabaliya, et qu’un nombre similaire de personnes avaient été tuées dans des bombardements à Nuseirat.
L’hôpital indonésien situé dans le nord de la bande de Gaza est attaqué par des chars depuis des jours et a été pris d’assaut jeudi. Il a été contraint de cesser ses activités, faisant de 550 patients, 200 travailleurs médicaux et d’au moins 1.500 Palestiniens des déplacés en situation désespérée.
Alors que le bilan dépasse désormais les 14.500 morts, le directeur du ministère de la Santé de Gaza a déclaré que 6.000 autres personnes étaient portées disparues et qu’on craignait qu’elles ne soient ensevelies sous les décombres.
Vendredi, les FDI se sont concentrées sur des attaques violentes des Palestiniens qui retournaient dans le nord. Depuis qu’Israël a émis les premiers ordres d’évacuation dans le nord de la bande de Gaza le 13 octobre, on estime que 1,7 million de personnes sur les 2,2 millions d’habitants de l'enclave ont été déplacées.
Israël ne veut pas d’un retour qui compliquerait son plan de déplacer l’attention vers le sud et de pousser les Gazaouis dans le désert. Jeudi, on a signalé que des centaines voire des milliers de personnes revenaient de Khan Younis avec des enfants et des animaux domestiques dans les bras, au mépris des instructions des FDI. Au moins deux Palestiniens auraient été tués par l’armée israélienne, et 11 blessés, la plupart touchés à la jambe. Plusieurs d’entre eux ont été ramenés dans des hôpitaux du sud.
Les FDI ont également intensifié leurs opérations en Cisjordanie. Selon le ministère de la Santé, au moins 225 Palestiniens ont été tués et quelque 2.850 autres blessés par les forces israéliennes depuis le 7 octobre en Cisjordanie.
En outre, quelque 2.070 personnes ont été arrêtées, selon les chiffres de la Société des prisonniers palestiniens. Avant le 7 octobre, le nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes était estimé à environ 5.200, dont plus de 1.000 en détention administrative sans inculpation ni jugement. Ce chiffre est maintenant supérieur à 8.300, dont 3.000 en détention administrative.
La libération promise de 150 prisonniers n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Une quarantaine de personnes ont été arrêtées au cours de la seule journée de mercredi dans le cadre d’actions menées par les FDI.
Il a d’abord semblé que les combats continuerait également à la frontière libanaise malgré la «pause». Mais une sirène d’alarme entendue dans la matinée semble avoir été une fausse alerte.
Certaines des déclarations les plus révélatrices de jusqu’où Israël a l’intention d’aller furent celles faites conjointement par Netanyahou et Gallant. Netanyahou a déclaré à une conférence de presse mercredi qu’il avait «donné l’ordre au Mossad [l’agence de renseignement] d’agir contre les chefs du Hamas, où qu’ils se trouvent ».
Galant a ajouté que tous les dirigeants du Hamas «vivent en sursis…».
«La lutte est mondiale: depuis les tireurs sur le terrain jusqu’à ceux qui profitent d’avions de luxe pendant que leurs émissaires agissent contre des femmes et des enfants, ils sont destinés à mourir».
Gantz avait déjà déclaré qu'Israël tuerait les dirigeants du Hamas «à Gaza et dans le monde entier... Nous atteindrons les chefs du gouvernement [du Hamas] tout comme nous avons atteint le centre de [ce] gouvernement».
Ce sont là de menaces claires d’assassinat de l’ancien chef du politburo, Khaled Mashaal, et d’autres personnes en exil au Qatar.
Pendant ce temps, la famine, la pénurie d’eau et le manque d’électricité ne laissent que peu ou pas de répit. Au total, l’Égypte a déclaré que quelque 200 camions d’aide humanitaire, 130.000 litres de diesel et quatre camions de carburant entreraient quotidiennement dans la bande de Gaza pendant la pause des combats. Mais les informations ne font état que de 137 camions, alors que Gaza a besoin de 400 camions par jour dans des conditions normales.
Cela n’a pas empêché le président Joe Biden de prononcer un discours télévisé où il s’est vanté du rôle joué par les États-Unis dans la négociation de la «pause». Il a déclaré son intention de s’engager «avec les dirigeants de tout le Moyen-Orient alors que nous travaillons tous ensemble pour construire un avenir meilleur pour la région… où tous les enfants… juifs, musulmans, chrétiens, Israéliens, Arabes, palestiniens, grandissent ne connaissant que la paix».
Des millions de gens dans le monde ne se font aucune illusion sur la possibilité que la «pause opérationnelle» mette un terme au nettoyage ethnique d’Israël, ou sur le fait que «Joe le génocidaire» et ses homologues en Europe et dans le monde soient autre chose que des complices dans ce meurtre de masse.
Tout dépend à présent de ce que le mouvement mondial en défense des Palestiniens se tourne vers la classe ouvrière, qui seule peut arrêter la livraison et la production d’équipements militaires pour Israël et entamer une lutte politique et sociale pour faire tomber les gouvernements impérialistes des criminels de guerre.
(Article paru en anglais le 25 novembre 2023)