Perspective

Thanksgiving 2023

Tandis que la faim monte en flèche aux États-Unis, Biden est invité à célébrer chez un milliardaire

Le président Joe Biden sort de la Maison-Blanche et se dirige vers les dindes de Thanksgiving, Liberty et Bell, pour une cérémonie sur la pelouse sud de la Maison-Blanche à Washington, le lundi 20 novembre 2023. [AP Photo/Susan Walsh]

Le président Joe Biden passe ses vacances de Thanksgiving à Nantucket, sur le domaine de 34 millions de dollars de David Rubenstein, le cofondateur milliardaire du groupe Carlyle, un fonds spéculatif dont la pratique bien connue est de racheter des entreprises, réduire leurs effectifs, les dépouiller de leurs actifs et revendre ce qui reste avec un bénéfice.

Carlyle n’est pas seulement un prédateur d’entreprises brutal, il entretient depuis longtemps des liens très étroits avec l’appareil de renseignement militaire, en particulier dans le cadre des guerres en Afghanistan et en Irak. La société de capital-investissement a employé de nombreux criminels de guerre des deux partis capitalistes, dont l’ancien ministre de la Défense, Frank Carlucci, qui fut son président, et l’ancien directeur de la CIA et chef du Pentagone Leon Panetta, un «consultant» grassement rémunéré. Les anciens présidents George H. W. Bush et George W. Bush ont tous deux été directeurs de la société ou d’une filiale.

Les médias américains ont rapporté l’arrivée de Biden sur l’île du Massachusetts, lieu de villégiature privilégié de Wall Street et des super-riches, sans relever le contraste social frappant entre le président des États-Unis profitant du cadre opulent de la propriété de Nantucket et les conditions auxquelles sont confrontés des centaines de millions de travailleurs.

Biden célébre la fête traditionnelle américaine, ainsi que son 81e anniversaire, qui est tombé lundi cette semaine, avec des gâteaux et un menu de Thanksgiving copieux. Outre le domaine lui-même, que Rubenstein a mis à la disposition du président pour son séjour, il y a tout l’attirail habituel d’une visite présidentielle. Comme l’a décrit le journal local:

L’entourage présidentiel s’est constitué sur l’île au cours des cinq derniers jours. De nombreux C-17 Globemasters et d’autres avions ont livré des véhicules, du matériel et des fournitures à l’aéroport de Nantucket Memorial. Un important contingent de policiers de l’État du Massachusetts est arrivé sur l’île par ferry lundi. Les hôtels de l’île sont à nouveau remplis d’agents des services secrets, de membres du gouvernement, de membres de la police d’État et de représentants des médias de l’île.

Les millions d’Américains qui souffrent de la faim, de la pauvreté et qui sont sans-abri lors de la fête qui célèbre les ressources obtenues grâce aux récoltes d’automne dans le pays le plus riche du monde n’ont évidemment pas accès à ces avantages.

Alors que l’industrie agroalimentaire américaine exporte pour plus de 150 milliards de dollars de denrées alimentaires par an, la faim dans le pays monte en flèche, selon le Food Research and Action Council (FRAC), qui cite un rapport du service de recherche économique du ministère américain de l’Agriculture (USDA) publié le mois dernier. Parmi les conclusions de l’USDA:

Un ménage américain sur huit sera confronté à l’insécurité alimentaire en 2022, soit 44,2 millions de personnes, ce qui représente une augmentation stupéfiante de 10,3 millions de personnes par rapport à l’année précédente.

Le nombre d’enfants vivant dans ces ménages a bondi de 44,6 pour cent pour atteindre 13,4 millions.

Un tiers des ménages monoparentaux dirigés par des femmes sont en situation d’insécurité alimentaire.

Les groupes démographiques qui connaissent des taux d’insécurité alimentaire plus élevés que la moyenne sont les Afro-Américains, les Latinos, les habitants du Sud et ceux qui vivent dans les zones rurales (où la plupart des denrées alimentaires sont produites!)

La principale cause de l’insécurité alimentaire et de la faim est la pauvreté, exacerbée par les réductions des programmes sociaux fédéraux menées par l’administration Biden et approuvées par le Congrès. La levée de l’état d’urgence COVID en mai dernier par Biden va accroître la souffrance collective, en réduisant automatiquement les fonds alloués aux bons alimentaires (SNAP), à la nutrition complémentaire pour les femmes enceintes et allaitantes, les jeunes enfants et les nourrissons (WIC), ainsi qu’aux programmes élargis de repas scolaires et de collations après l’école.

La classe ouvrière dans son ensemble doit faire face à des prix plus élevés pour pratiquement tous les types d’aliments, les prix des aliments ayant augmenté de 11 pour cent au cours des deux dernières années, ainsi qu’à des pénuries de nombreux aliments. Pour les travailleurs à faible revenu, cette situation est encore aggravée par l’absence de supermarchés dans de nombreuses zones urbaines («déserts alimentaires»), ce qui rend difficile l’obtention de fruits et de légumes frais.

Les conditions de privation dans les villes appauvries comme Detroit, autrefois centre de production automobile à hauts salaires, ont été démontrées cette semaine lorsque des milliers de personnes se sont présentées pour recevoir gratuitement des dindes et d’autres produits alimentaires pour un repas typique de Thanksgiving dans la ville et ses banlieues, dont 3.000 rien qu’à River Rouge, une banlieue proche, et 600 à Ann Arbor.

Le président Biden vante ses origines modestes, se décrivant comme un «Joe de la classe moyenne» et comme le président le plus favorable aux travailleurs de l’histoire. Pendant ce temps, ses supposés «amis» travailleurs sont confrontés à des réductions de leurs salaires réels en raison de l’inflation, à une attaque des entreprises contre les avantages sociaux tels que les soins de santé et à la destruction d’emplois. Pour les travailleurs de l’automobile, d’UPS, des chemins de fer et bien d’autres, cette attaque contre leur niveau de vie a été menée par le biais de contrats imposés par les syndicats avec le soutien de l’actuel occupant de la Maison-Blanche. Lorsque les travailleurs ont cherché à contester ces attaques, comme les cheminots il y a un an, ils ont vu leur droit de grève réduit à néant par l’action du Congrès exigée et soutenue par Biden.

Comme l’a expliqué le WSWS, Biden est l’ami des syndicats, pas des travailleurs. Il considère les syndicats et leurs appareils bureaucratiques hautement rémunérés comme le meilleur mécanisme pour réduire le niveau de vie de la classe ouvrière et étouffer la lutte des classes.

Il compte sur les syndicats pour enfermer la classe ouvrière dans une camisole de force politique, en particulier sur les questions de politique étrangère et de guerre. La politique du Parti démocrate est principalement axée sur la promotion agressive des intérêts impérialistes américains à l’étranger par le biais d’une explosion du militarisme contre la Russie, au Moyen-Orient contre l’Iran et dans l’Indo-Pacifique contre la Chine, qui prend de plus en plus la forme d’une troisième guerre mondiale.

Ces politiques de guerre sont largement contestées par la classe ouvrière, comme en témoignent les manifestations de masse contre le génocide israélien à Gaza. Mais elles bénéficient d’un soutien quasi unanime de la part de l’élite dirigeante capitaliste, au nom de laquelle Biden s’exprime.

La relation de Biden avec les riches a été résumée dans ses remarques lors d’une collecte de fonds à Manhattan en 2019, lorsqu’il a rassuré son public de Wall Street sur le fait que ses prétentions légèrement réformistes étaient politiquement nécessaires, mais ne devaient pas les troubler. Il a déclaré qu’en dépit de sa rhétorique sur la nécessité de faire payer aux riches «leur juste part», sous une administration Biden, «personne ne sera puni, le niveau de vie de personne ne changera, rien ne changera fondamentalement».

Le coprésident du groupe Carlyle, Rubenstein, qui met son domaine à la disposition de Biden, est à la tête d’une société qui gère 382 milliards de dollars d’actifs, une somme près de trois fois supérieure à celle de tous les programmes alimentaires fédéraux réunis.

Rubenstein a travaillé comme conseiller auprès d’une sous-commission de la commission judiciaire du Sénat en 1975-1976, alors que Biden y siégeait. Il a ensuite travaillé comme assistant à la Maison-Blanche dans l’administration Carter avant de retourner dans un cabinet privé. En 1987, il a été l’un des trois cofondateurs du groupe Carlyle et est devenu immensément riche.

Il a accumulé de l’influence dans la société washingtonienne ainsi que des richesses. Rubenstein est actuellement président du Kennedy Center for the Performing Arts, de la National Gallery of Art, du Council on Foreign Relations et de l’Economic Club of Washington DC. Il est l’ancien président du conseil d’administration de l’université Duke et de la Smithsonian Institution. En 2022, il est devenu président du conseil d’administration de l’université de Chicago.

Ce pilier de la classe dirigeante est décrit dans les médias bourgeois comme un «ami personnel» de Biden. La même étiquette est appliquée à la relation du milliardaire Harlan Crow avec le juge d’extrême droite Clarence Thomas de la Cour suprême, qui bénéficie de vacances lucratives, de vols privés et d’autres avantages, ainsi que d’investissements dans la société de conseil de «Ginni» Thomas, l’épouse du juge et militante de l’initiative «Stop the Steal» de Trump en 2020 qui visait à renverser l’élection.

Biden et Thomas sont des instruments politiques corrompus de factions rivales de l’élite dirigeante capitaliste. Ils peuvent se quereller amèrement sur la politique, mais sur les questions fondamentales de classe, ils sont à l’unisson: ils défendent le capitalisme et la domination des riches dans leur pays, ainsi que l’affirmation des intérêts impérialistes américains à l’étranger.

Ceux qui prétendent qu’il est possible de «faire pression» sur le gouvernement Biden pour qu’il adopte des politiques réformistes, qu’il s’oppose à la menace que Donald Trump fait peser sur les droits démocratiques, ou qu’il freine la violence génocidaire d’Israël, fer de lance militaire de l’impérialisme américain au Moyen-Orient, répandent de funestes illusions politiques.

Le Parti démocrate n’est pas la solution aux Républicains de plus en plus fascistes. Il s’agit d’une autre voie vers la même destination. La force motrice du militarisme du Parti démocrate et de l’autoritarisme du Parti républicain est l’aggravation de la crise du capitalisme mondial, au centre de laquelle se trouve le capitalisme américain.

La solution pour les travailleurs est une rupture résolue avec les deux partis capitalistes et la construction d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière basé sur un programme socialiste et antiguerre. Ce programme devrait inclure un vaste programme visant à abolir la faim, la pauvreté et le sans-abrisme, en expropriant les riches parasites incarnés par Carlyle, en plaçant l’économie sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière et en abolissant l’inégalité sociale. Telle est la perspective révolutionnaire pour laquelle le Parti de l’égalité socialiste se bat.

(Article paru en anglais le 24 novembre 2023)

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