Israël a intensifié son bombardement de Gaza avant les quatre jours de « pause »

Une femme palestinienne pleure un enfant mort alors qu’elle est assise à côté de dizaines de corps de Palestiniens assassinés par les frappes aériennes israéliennes sur le camp de réfugiés de Jabaliya, à l’hôpital indonésien dans le nord de Gaza, le samedi 18 novembre 2023. [AP Photo/Ahmed Alarini]

Dans les heures qui ont précédé le début, vendredi matin à 7 heures, d’une pause de quatre jours dans les combats, les forces aériennes et terrestres israéliennes ont intensifié leur bombardement sanguinaire de la bande de Gaza. Les attaques contre les hôpitaux et des dizaines d’immeubles d’habitation ont continué, soulignant à quel point est insignifiante la brève accalmie dans l’assaut génocidaire monté par le régime israélien contre les Palestiniens.

L’accord ressemble davantage à une pause permettant à Israël de recharger ses armes en vue de la prochaine étape de son nettoyage ethnique de l’enclave qu’à un quelconque effort visant à atténuer la catastrophe humanitaire et à mettre un terme à la guerre. L’accord, qui devait initialement débuter jeudi, mais qu’on a reporté sans explication, prévoit la libération de 50 otages israéliens par le Hamas en échange de la libération de 150 prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Les avions de guerre israéliens continueront à survoler le nord de la bande de Gaza, à l’exception d’une fenêtre de six heures entre 10 heures et 16 heures chaque jour, mais ils sont censés s’abstenir de survoler le sud de la bande de Gaza pendant cette période de quatre jours. L’accord prévoit que quelque 200 camions d’aide et quatre camions de carburant entreront chaque jour à Gaza, soit moins de la moitié des 500 camions qui approvisionnaient quotidiennement l’enclave avant le début des bombardements israéliens.

L’une des principales cibles des attaques des Forces de défense israéliennes (FDI) jeudi était l’hôpital indonésien, situé dans le nord de la bande de Gaza, où quelque 200 patients et 10 membres du personnel médical sont pris au piège. Les attaques ont porté sur les portes principales de l’hôpital et sur le générateur d’électricité.

Le Dr Marwan Sultan, directeur médical de l’hôpital indonésien, a déclaré à la BBC au cours de la journée que l’établissement faisait l’objet de «tirs nourris» de la part des chars israéliens. Au fil de la journée, il a indiqué que des obus avaient été tirés sur le troisième étage du bâtiment. «Nous avons miraculeusement survécu à une mort certaine: des éclats d’obus nous sont tombés dessus et le plafond est endommagé», a-t-il déclaré.

Les forces israéliennes ont également arrêté le directeur médical de l’hôpital Al-Shifa, Mohamed Abu Salmiya, après avoir présenté des allégations fallacieuses de découverte d’un tunnel souterrain du Hamas alimenté par l’électricité de l’hôpital. L’intensification du bombardement de l’hôpital indonésien a également été justifiée par des affirmations non fondées de l’existence d’une «infrastructure terroriste» sous le bâtiment.

Le ciblage systématique des hôpitaux n’est qu’un des nombreux crimes de guerre au regard du droit international perpétrés par le gouvernement d’ultra-droite dirigé par Benjamin Netanyahou avec le soutien inconditionnel des puissances impérialistes. La punition collective infligée aux 2,3 millions d’habitants de Gaza en les privant d’électricité, d’eau et de carburant suite au soulèvement de masse du 7 octobre, mené par le Hamas contre 75 ans d’oppression israélienne brutale, en est un autre.

Les frappes aériennes incessantes se sont poursuivies sur Gaza tout au long de la journée de jeudi. Le ministère de la Santé du territoire a signalé la mort de 27 personnes dans une école gérée par l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) dans le camp de réfugiés de Jabaliya. L’école Abu Hussein accueillait des Palestiniens déplacés, chassés de chez eux par l’assaut israélien. Plus d’une douzaine de civils ont également été tués lors de diverses frappes dans le nord de Gaza et dans la ville méridionale de Khan Younis vers laquelle les FDI avaient ordonné aux civils de fuir. L’armée israélienne a déclaré avoir visé «300 cibles du Hamas» pour la seule journée de jeudi. La violence s’est également poursuivie en Cisjordanie, où un garçon de 12 ans abattu par des soldats israéliens est devenu le 52e enfant et le 229e Palestinien décédé depuis le 7 octobre.

Pour résumer le terrible bilan de plus de six semaines de bombardements israéliens soutenus, le bureau des médias du gouvernement de Gaza a indiqué que le nombre de civils tués depuis le 7 octobre était passé à 14.854, dont plus de 6.100 enfants. Ce rapport de jeudi indique également que plus de 7.000 Palestiniens sont portés disparus, soit parce qu’ensevelis sous les décombres, soit parce que sur les routes fuyant leur maison, soit parce que leur sort est «inconnu». Quelque 36.000 Palestiniens ont été blessés, dont 75 pour cent de femmes et d’enfants.

Soulignant le caractère aveugle de la campagne de bombardement israélienne, les chiffres confirment la mort de 207 travailleurs médicaux et d’au moins 65 journalistes. Selon l’agence de presse palestinienne Wafa, un journaliste de Reuters a été blessé lors d’un bombardement qui a fait cinq morts jeudi dans le quartier de Sheikh Nasser, à Khan Younis.

À la frontière nord d’Israël avec le Liban, les échanges de tirs se sont également intensifiés. Le Hezbollah aurait tiré quelque 80 roquettes et missiles sur le nord d’Israël jeudi, soit l’un des plus grands nombres de tirs en une seule journée depuis le 7 octobre. Les FDI ont fait état de frappes aériennes israéliennes tard dans la soirée de jeudi. Mercredi, une frappe aérienne israélienne a tué cinq membres du Hezbollah, dont Abbas Raad, fils du chef du groupe du Hezbollah «Loyauté à la Résistance» au Parlement libanais, Mohammed Raad.

Dans ces conditions, le sort de la pause de quatre jours était encore en suspens. Le Qatar, qui a joué un rôle de premier plan dans la médiation de l’accord avec le soutien des États-Unis, n’a confirmé les détails de la libération des otages que vendredi. À 16 heures, 13 otages israéliens devraient être remis à la Croix-Rouge à Gaza, tandis que 39 Palestiniens devraient être libérés de la détention israélienne. Interrogé brièvement jeudi par un journaliste pour commenter l’accord, le président américain Joseph Biden a répondu qu’il ne donnerait pas d’informations sur l’accord «tant qu’il n’aura pas été réalisé».

Outre l’incertitude entourant les échanges d’otages après vendredi, l’engagement pris par Israël d’autoriser l’entrée de 200 camions d’aide dans la bande de Gaza pourrait également rester lettre morte. Selon le Times of Israel, de hauts responsables de l’administration Biden estiment que le poste frontière de Rafah ne peut accueillir une telle quantité d’aide, et Israël a refusé de rouvrir le point de passage vers Gaza de Kerem Shalom. L’article poursuit en indiquant que l’aéroport d’El-Arish, la seule installation en Égypte acceptant l’aide pour le transport terrestre vers Gaza, n’a qu’une seule piste et des installations de stationnement limitées, ce qui rend impossible, d’un point de vue logistique, la fourniture d’une aide adéquate à la population de Gaza par le seul point de passage de Rafah.

La position intransigeante d'Israël sur cette question est motivée par son intention explicitement déclarée de chasser une grande partie, voire la totalité, de la population palestinienne de Gaza et de l'envoyer dans le désert du Sinaï. Un document du ministère du Renseignement fuité le mois dernier a confirmé l'existence de tels plans. Au début du mois, le ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, a juré que Kerem Shalom, qui était la principale route commerciale vers Gaza avant le 7 octobre, ne serait jamais rouverte. « Il n'y aura pas de liaison de marchandises, ni de liaison de personnes, ni de travailleurs », a déclaré M. Cohen lorsqu'il a fait cette annonce le 13 novembre.

L’intention du gouvernement Netanyahu de poursuivre l’escalade de la guerre après la pause, quelle que soit sa durée, a été dévoilée jeudi par le ministre de la Défense, Yoav Gallant. La pause, selon Gallant, était un «bref répit… à l’issue duquel les combats se poursuivront intensément». Gallant, qui a tristement qualifié les Palestiniens d’«animaux humains» au début de la guerre, a ajouté: «Il faut s’attendre à au moins deux mois de combats supplémentaires». Pour sa part, le porte-parole militaire Daniel Hagari a déclaré: «Dans les prochains jours, nous nous concentrerons sur la planification et l’achèvement des préparatifs pour les prochaines étapes du combat».

L’impérialisme américain et ses alliés européens ont conforté le gouvernement israélien dans sa politique génocidaire tout au long du conflit. Ce soutien se poursuivra au-delà de toute pause dans les combats, les armes et les équipements militaires affluant à bord d’avions de transport américains depuis la base aérienne américaine de Ramstein en Allemagne et à bord de navires passant par la Méditerranée.

Le soutien inconditionnel apporté par Washington à l’assaut de l’armée israélienne s’inscrit dans le contexte d’une troisième guerre mondiale qui se développe rapidement et où l’ensemble du Moyen-Orient est considéré comme un front crucial. Biden a envoyé un sous-marin à capacité nucléaire et deux groupements tactiques de porte-avions dans la région pour menacer l’Iran, que Washington considère comme un obstacle majeur à la consolidation de son hégémonie régionale. La volonté des puissances impérialistes d’accepter le massacre brutal de Gaza souligne que dans la guerre imminente avec l’Iran, sans parler de la guerre qui fait déjà rage entre les États-Unis et l’OTAN avec la Russie en Ukraine et qui vise à soumettre la Russie à un statut semi-colonial, il n’y a pas de limite au nombre de vies humaines qu’elles ont l’intention de sacrifier à la poursuite de leurs intérêts géostratégiques et économiques.

Quelle que soit l’évolution des événements dans les heures et jours à venir, la question décisive reste le développement d’un mouvement anti-guerre international dirigé par la classe ouvrière pour mettre fin au génocide de Gaza. Les millions de jeunes et de travailleurs qui ont manifesté dans le monde entier pendant plus d’un mois doivent se tourner vers la classe ouvrière et obtenir son soutien pour une mobilisation de masse visant à stopper toutes les livraisons et la production d’équipements militaires pour Israël, et à s’opposer aux gouvernements impérialistes des États-Unis et d’Europe qui facilitent le génocide des Palestiniens.

(Article paru en anglais le 24 novembre 2023)

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