Perspective

L’évacuation forcée du sud de Gaza: La prochaine étape du nettoyage ethnique de la Palestine

Des Palestiniens fuient vers le sud de la bande de Gaza dans la rue Salah al-Din à Bureij, dans la bande de Gaza, le samedi 11 novembre 2023.

Jeudi, les forces israéliennes ont largué des tracts sur les principales villes du sud de Gaza, dont Khan Younis, enjoignant à la population d’évacuer ou de risquer de mourir. Le déplacement de la population du sud de Gaza est la prochaine étape du nettoyage ethnique de la Palestine, mené par Israël avec le soutien des puissances impérialistes américaines et européennes. Une zone à la fois, Gaza est dépeuplée par la combinaison d’expulsions massives, de massacres et de famine.

C’est évident que les attaques du 7 octobre ont servi de prétexte à Israël pour mettre en œuvre un plan planifié de longue date pour le dépeuplement systématique de la Palestine, qui a commencé par le nord de Gaza, s’étend maintenant au sud de Gaza et se poursuivra en Cisjordanie.

«Vous avez vu ce qui est arrivé à la ville de Gaza», a déclaré Mark Regev, conseiller principal du Premier ministre israélien, à Sky News. «Khan Younis est également un centre d’activité du Hamas. Nous demandons aux civils de quitter la zone pour leur propre sécurité. Nous ne voulons pas que vous soyez pris dans les affrontements».

Par «ce qui est arrivé à la ville de Gaza», Regev fait référence au tapis de bombes qui a détruit ou endommagé 40 pour cent des habitations du nord de la bande de Gaza et brisé ses systèmes de santé, de distribution alimentaire et de traitement de l’eau. Toutes les boulangeries de Gaza ont été fermées et il n’y a plus de blé disponible à quelque prix que ce soit. Il n’y a ni nourriture, ni eau, ni soins médicaux.

Près des trois quarts de la population de Gaza – 1,5 million de personnes – ont été déplacés à l’intérieur du pays. Le bilan officiel, qui n’a pas été actualisé depuis cinq jours en raison de l’effondrement du système de santé, s’élève à plus de 11.000 morts. Lors de l’assaut israélien contre l’hôpital Al-Shifa, 40 patients, dont quatre bébés, sont décédés en raison du manque d’électricité.

Les commentaires de Regev étaient accompagnés d’un graphique montrant une zone représentant un tiers de la superficie de Gaza, que les Palestiniens sont priés d’évacuer. Si l’on ajoute à cela la demande antérieure de migration des Palestiniens du nord de la bande de Gaza vers le sud, au moins quatre cinquièmes du pays sont transformés en zone de combat, la ville de Rafah, située à l’extrême sud, étant le seul refuge restant. Mais même les zones «sûres» sont continuellement bombardées par les forces israéliennes.

Le mois dernier, la publication en hébreu Mekomit a publié une fuite d’un document du ministère israélien du Renseignement, qui appelait Israël à «évacuer la population civile vers le Sinaï», où elle vivrait dans des villes de tentes et ne pourrait pas rentrer chez elle. En coulisses, le Premier ministre israélien Netanyahou fait pression sur l’Égypte pour qu’elle autorise l’expulsion de la population palestinienne dans le désert du Sinaï.

Aujourd’hui, cependant, les politiciens israéliens discutent de ces plans non pas en secret, mais en public. Le week-end dernier, Avi Dichter, membre du cabinet de sécurité israélienne et ministre de l’Agriculture, membre du parti Likoud de Netanyahou, a déclaré: «Nous sommes en train de lancer la Nakba de Gaza». La Nakba, qui signifie «catastrophe» en arabe, fait référence à l’expulsion massive d’environ 700.000 Arabes palestiniens de leur patrie en 1948.

Dans «Le nettoyage ethnique de la Palestine» (The Ethnic Cleansing of Palestine), l’historien israélien, Ilan Pappé, décrit la manière dont le mouvement sioniste a mis en œuvre un plan délibéré («le Plan Dalet») qui visait à chasser la population palestinienne de ce qui allait devenir Israël. L’historiographie officielle israélienne affirmera plus tard que le peuple palestinien est parti «volontairement», mais il s’agit d’un mensonge.

«Les affrontements avec les milices palestiniennes locales, écrit Pappé, ont fourni le contexte et le prétexte parfaits pour mettre en œuvre la vision idéologique d’une Palestine ethniquement nettoyée. La politique sioniste était d’abord basée sur des représailles contre les attaques palestiniennes en février 1947, et elle s’est transformée en une initiative de nettoyage ethnique du pays dans son ensemble en mars 1948».

Ilan Pappé a expliqué que ce plan se poursuit depuis des décennies. «L’objectif a toujours été, et reste, d’avoir la plus grande partie possible de la Palestine avec le moins de Palestiniens possible», a-t-il déclaré en 2004. C’est ce plan qui est aujourd’hui mis en œuvre.

Les responsables israéliens appellent à une nouvelle expulsion «volontaire» de Palestiniens. Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a appelé mardi à «l’immigration volontaire des Arabes de Gaza vers les pays du monde», ce qui constitue la «bonne solution humanitaire». Il a ajouté: «L’accueil des réfugiés par les pays du monde qui veulent vraiment défendre leurs intérêts […] est la seule solution qui mettra fin à la souffrance et à la douleur des Juifs et des Arabes».

Dans ses actions génocidaires, Israël bénéficie de l’appui et du soutien total du gouvernement Biden et des puissances impérialistes européennes. Le 9 novembre, Biden a déclaré qu’il n’y avait «aucune possibilité» de cessez-le-feu à Gaza. Le 7 novembre, la Maison-Blanche a catégoriquement affirmé que le gouvernement Netanyahou «n’avait aucune ligne rouge» quant au nombre de civils qu’Israël serait autorisé à tuer. Après chaque bombardement d’une école, d’un hôpital ou d’un camp de réfugiés, l’administration Biden a déclaré qu’Israël avait le «droit de se défendre».

L’extension de la «zone de combat» au sud de Gaza et l’assaut contre l’hôpital Al-Shifa ont été précédés par la «Marche pour Israël», au cours de laquelle les dirigeants des partis démocrate et républicain ont scandé «Pas de cessez-le-feu !»

L’adhésion totale de l’impérialisme américain au génocide israélien met en évidence, pour toujours, le mensonge selon lequel la politique étrangère des États-Unis a quelque chose à voir avec les «droits de l’homme». Tout au long des années 1990, les États-Unis ont utilisé des allégations de «nettoyage ethnique» pour justifier des interventions militaires dans les Balkans, qui ont culminé avec le bombardement de la Serbie en 1999. Mais l’encouragement systématique de l’administration Biden à l’épuration ethnique par Israël montre clairement que la prétendue préoccupation pour les «droits de l’homme» n’était rien d’autre qu’un prétexte pour son objectif déclaré de dissoudre la Yougoslavie afin de placer les Balkans sous la domination des États-Unis et de l’OTAN.

De même, avec les guerres de l’impérialisme américain contre la Russie en Ukraine et le renforcement militaire contre la Chine, les États-Unis accusent leurs cibles de génocide. En avril, on a demandé à Joe Biden: «Avez-vous vu suffisamment de preuves pour déclarer l’existence d’un génocide en Ukraine?», ce à quoi il a répondu: «Oui, j’ai parlé de génocide. Il est de plus en plus évident que Poutine tente d’anéantir l’idée même d’être, de pouvoir être Ukrainien». Les États-Unis accusent la Chine de mener un «génocide» contre sa population musulmane dans la province du Xinjiang. Toutes ces affirmations se sont révélées n’être rien d’autre que des couvertures de propagande pour l’action militaire des États-Unis.

Le génocide israélien à Gaza suscite une opposition massive dans le monde entier. Des millions de personnes sont descendues dans la rue sur tous les continents habitables, y compris des manifestations de centaines de milliers de personnes aux États-Unis et dans d’autres pays de l’OTAN.

Mais ces manifestations de masse n’ont fait que solidifier l’intransigeance du gouvernement Biden à faciliter le génocide israélien. Cette semaine, la police du Capitole a attaqué un groupe de manifestants au Comité national démocrate, blessant six personnes, tandis que les principales plateformes technologiques, dont Twitter et TikTok, censurent les déclarations d’opposition politique au génocide israélien.

Il faut tirer les leçons de ces événements. Les gouvernements responsables des actions d’Israël ne peuvent être convaincus de changer de cap. Pour arrêter le génocide israélien, on doit construire un mouvement de masse de la classe ouvrière qui vise à briser le pouvoir de l’oligarchie financière et à mettre fin au système capitaliste qui est la cause première de la guerre.

(Article paru en anglais le 18 novembre 2023)

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