Lors d’un incident écœurant, mais peu médiatisé survenu au cours d’une session de l’Assemblée législative de l’État de Floride, une députée républicaine a manifesté son soutien au meurtre de toute la population de Gaza. Cela eut lieu lors d’une session spéciale du parlement de l’État consacrée au Moyen-Orient, convoquée par le gouverneur républicain Ron DeSantis afin d’apporter des munitions à sa campagne présidentielle qui bat de l’aile.
La session s’est tenue le mardi 7 novembre dans l’après-midi, un jour avant le troisième débat présidentiel républicain. Elle avait été programmée de manière à ce que DeSantis puisse prétendre être à la tête d’efforts visant à mobiliser le public en faveur d’Israël.
DeSantis a présenté deux résolutions conçues pour contourner le fait gênant que l’Assemblée de Floride n’a normalement pas l’occasion de discuter du sujet, puisque la politique étrangère relève exclusivement de la compétence du gouvernement fédéral. La première résolution renforçait les sanctions imposées par le gouvernement de l’État de Floride à l’encontre de l’Iran. La seconde prévoyait des fonds pour renforcer la sécurité dans les écoles juives de l’État.
Deux députés, un démocrate et un républicain, avaient publié des résolutions concurrentes soutenant l’État d’Israël, la résolution républicaine appelant également à la fin du soutien financier du gouvernement américain aux organisations d’aide aux Palestiniens et dénonçant les manifestations sur les campus universitaires contre le bombardement de Gaza. Mais la session a été bouleversée lorsqu’une seule démocrate, Angie Nixon de Jacksonville, a présenté une résolution déplorant le nombre massif de morts à Gaza et appelant à un cessez-le-feu.
Bien que sa résolution commençât par dénoncer le Hamas pour l’attaque du 7 octobre qui a franchi les lignes militaires israéliennes et tué 1.400 Israéliens, aucune reconnaissance du massacre en cours à Gaza n’était acceptable pour l’un ou l’autre des partis contrôlés par la grande entreprise.
La résolution de Nixon a été soutenue par Anna Eskamani, la première Américaine d’origine iranienne élue au parlement de cet État, qui a refusé de la retirer malgré les appels de la cheffe de la minorité démocrate Fentrice Driskell. Le président républicain de la chambre, Paul Renner, a ordonné qu’elle soit soumise à un vote par appel nominal, dans l’espoir d’«embarrasser» les démocrates, mais la résolution a finalement été rejetée par 104 voix contre 2, seules Nixon et Eskamani l’ayant soutenue.
Le seul député républicain juif, Larry Fine de Miami, a vilipendé la résolution, affirmant que sa référence à la «Palestine occupée» était antisémite. «Si vous votez pour cette résolution, a-t-il dit, vous mettez mon enfant et tous les enfants juifs de l’État en danger. Qualifiant Nixon et Eskamani de «diaboliques» pour s’être opposés aux massacres à Gaza, il a remis en question le nombre de morts parmi les Palestiniens mentionné dans la résolution. «Vous répétez un chiffre donné par les terroristes», a-t-il déclaré, suggérant que beaucoup ou la plupart des morts étaient des «terroristes».
C’est une autre républicaine, Michelle Salzman, de Pensacola, qui a ouvertement déclaré son soutien au meurtre de masse. Lorsque Nixon est montée à la tribune pour s’exprimer en faveur de la résolution, la quasi-totalité du corps législatif de l’État, démocrates et républicains, s’est levée et lui a tourné le dos.
«Nous en sommes à 10.000 Palestiniens morts. Combien de morts faudra-t-il pour que cela suffise? demande Nixon. Une voix, identifiée plus tard comme celle de Salzman, s’est écriée: «Tous».
Nixon, stupéfaite, a porté cette déclaration de soutien à l’extermination de la population de Gaza à l’attention de l’ensemble du corps législatif. L’une de mes collègues vient de dire “tous”. Wow», a-t-elle poursuivi. «Voilà ce que nous sommes devenus dans cet État? Nous ne nous soucions pas des bébés innocents qui n’auront pas la chance de souffler leur première bougie d’anniversaire?
Le commentaire de Michelle Salzman a suscité une réaction publique furieuse. Les journalistes ont posé des questions et Angie Nixon a demandé sa démission. La législatrice de l'État a d'abord nié avoir tenu ces propos, déclarant à WEAR News: «C'est faux. Vous devriez vraiment le savoir».
Elle a ensuite publié un tweet dans lequel elle reconnaissait ses propos, mais affirmait que «tous» se référaient au Hamas et non à la population de Gaza dans son ensemble. Elle a écrit: «Mardi, j’ai été fière de me tenir aux côtés de mes collègues en solidarité absolue avec le droit d’Israël à se défendre. J’ai également déclaré que tous les terroristes qui ont attaqué Israël et déclenché cette guerre devaient être éliminés — [réponse de Salzman]: TOUS».
Plus tard, elle a fait marche arrière de nouveau. Elle a tweeté: «C’est la plus horrible des implications. Je suis incroyablement désolée d’avoir suggéré, ne serait-ce que légèrement, que je voudrais qu’une communauté entière soit effacée. Mes commentaires visaient sans équivoque le régime du Hamas — je n’ai JAMAIS parlé de la Palestine. En tant qu’épouse et mère d’un juif, je soutiens fermement Israël. Mais la perte déchirante de vies palestiniennes n’a jamais fait partie de mes souhaits».
Nixon a ensuite décrit l’atmosphère politique fasciste qui régnait au sein de l’Assemblée de l’État. «Vous avez des députés qui appellent à l’anéantissement complet d’un groupe de personnes dans les rangs de la chambre. Certains partagent des photos de bébés palestiniens morts dans les décombres avec des citations disant “Merci”. D’autres encore traitent leurs collègues de “terroristes”».
L’incident de mardi dernier a été accueilli par un silence quasi total des grands médias, conformément à leur occultation systématique des manifestations de masse contre le génocide de Gaza. Le New York Times, le Washington Post, le Wall Street Journal, CNN et les chaînes de télévision n’ont rien dit, bien que le commentaire de Salzman ait été largement rapporté par les médias locaux et nationaux. Une seule séquence de huit minutes sur MSNBC, comprenant une interview sympathique d’Angie Nixon, a été la seule couverture nationale significative à ce jour.
Cet événement donne un aperçu du gouffre politique qui s’est creusé entre d’un côté les deux partis de l’élite dirigeante, tous deux profondément impliqués dans quelques-uns des pires crimes du 21e siècle et de l’autre la vaste majorité de la population — les travailleurs et les jeunes — qui manifestent de plus en plus et publiquement leur opposition à ces crimes.
(Article paru en anglais le 13 novembre 2023)