Les récents rapports nationaux de Banques alimentaires Canada brossent un tableau désastreux du nombre croissant de Canadiens vivant dans la pauvreté et souffrant d’insécurité alimentaire.
Le rapport annuel sur la faim de l’organisme de bienfaisance explique que l’utilisation des banques alimentaires a atteint des «niveaux inimaginables», avec un record de 1,9 million de visites aux banques alimentaires au Canada au cours du seul mois de mars: une augmentation de 32 % d’une année sur l’autre, et les chiffres les plus élevés depuis que l’organisme a commencé à recueillir des données en 1989.
L’accélération de l’inflation à des niveaux jamais vus depuis 40 ans a fait grimper les coûts des produits de base tels que le transport, la nourriture et le logement, alors que les salaires n’ont pas suivi. Bien que la principale cause de l’insécurité alimentaire soit la faiblesse des revenus, comme l’explique un bénéficiaire d’une banque alimentaire en Ontario, «depuis septembre 2022, le coût de la nourriture et du logement sont des problèmes majeurs».
Les conditions de plus en plus précaires des personnes les plus vulnérables du pays sont mises en évidence par le fait que les enfants représentent plus d’un tiers de tous les bénéficiaires de banques alimentaires, alors qu’ils ne constituent que 20 % de la population. En outre, les personnes âgées bénéficiant d’un revenu de pension fixe représentent 8 % des utilisateurs des banques alimentaires canadiennes, et leur nombre augmente à un rythme bien supérieur à celui des autres groupes d’âge. En outre, plus d’un quart des bénéficiaires de banques alimentaires sont des immigrants qui sont au Canada depuis moins de dix ans, un taux d’utilisation qui a doublé depuis 2016.
Notamment, le nombre croissant de bénéficiaires de banques alimentaires – souvent le dernier recours désespéré pour les gens une fois que tous les autres moyens ont été épuisés – n’est plus limité aux ménages à faible revenu, comme les personnes qui dépendent de l’aide sociale. Comme l’explique le rapport, «Jamais les banques alimentaires n’ont observé des besoins aussi criants au sein de la population active», et de plus en plus de personnes aux revenus plus élevés se tournent vers les banques alimentaires pour la première fois. Selon l’enquête sur les banques alimentaires, un bénéficiaire sur cinq a un emploi et plus d’un quart vit dans un ménage biparental.
La flambée des loyers, résultat de la privatisation et de la déréglementation du parc immobilier menées depuis des décennies par tous les partis politiques officiels, absorbe une part de plus en plus importante des revenus des Canadiens. L’enquête de la banque alimentaire révèle que près de 70 % des clients de la banque alimentaire vivent dans des logements locatifs, dont 36 % consacrent plus d’un tiers de leur revenu au logement et 13 % plus de la moitié de leur revenu aux dépenses locatives. En outre, les ménages d’une seule personne représentent 43,8 % des utilisateurs de banques alimentaires au Canada, alors qu’ils représentent 29,3 % de la population.
Le rapport note également que la population autochtone du Canada, où une personne sur quatre vit dans la pauvreté, est également représentée de manière disproportionnée parmi les utilisateurs de banques alimentaires, à hauteur de 12 %, alors qu’elle ne compte que pour 5 % de la population générale.
Le rapport sur les banques alimentaires ne contient pas de données sur les trois territoires nordiques pauvres du Canada, où la population autochtone majoritaire souffre des taux d’insécurité alimentaire les plus élevés du pays. Dans le plus grand et le plus septentrional des territoires, le Nunavut, le taux d’insécurité alimentaire a atteint le chiffre catastrophique de 57 %, ce qui a incité les médecins à déclarer que l’insécurité alimentaire chez les enfants autochtones constituait une «crise urgente de santé publique».
Dans tout le pays, les banques alimentaires, qui manquent de fonds, s’efforcent de répondre à l’explosion de la demande. En Ontario, l’organisation Charity Daily Bread, basée à Toronto, a indiqué que la plus grande banque alimentaire de Toronto était «au point de rupture» et ne pouvait pas faire face au quadruplement de la fréquentation de l’organisation, qui est passée d’environ 65.000 visites de clients par mois avant la pandémie à environ 275.000 visites par mois. La demande à la banque alimentaire de la région de Waterloo a atteint un niveau de «crise» et le financement annuel doit doubler pour atteindre plus de 1,6 million de dollars afin de répondre à la demande. Une banque alimentaire de Terre-Neuve a déclaré que d’anciens donateurs venaient maintenant eux-mêmes demander de l’aide, et une autre de l’Île-du-Prince-Édouard a été obligée de refuser des gens.
Alors que des millions de Canadiens peinent à se nourrir, les géants de l’alimentation engrangent des bénéfices records. Loblaws, Sobeys et Metro ont déclaré un chiffre d’affaires combiné de 100 milliards de dollars et des bénéfices de 3,6 milliards de dollars en 2022. En juin, l’indignation du public face au gonflement des bénéfices a contraint le Premier ministre libéral Justin Trudeau à lancer un appel creux aux cinq principaux géants de l’alimentation au Canada – Loblaws, Sobeys, Metro, Walmart et Costco – pour qu’ils réduisent volontairement les prix des denrées alimentaires avant les fêtes de Thanksgiving. Pourtant, les bénéfices des entreprises continuent de s’envoler et le coût des denrées alimentaires au Canada a augmenté de 5,9 % en septembre, d’une année sur l’autre.
Le gouvernement Trudeau continue de faire preuve d’une indifférence insensible face à ce que Banques alimentaires Canada appelle une «situation désastreuse» à laquelle est confronté un Canadien sur cinq vivant dans l’insécurité alimentaire. Face à la plus grande crise du coût de la vie depuis 40 ans, il a alloué une somme dérisoire de 10 millions de dollars dans son budget 2023 pour les besoins en infrastructures alimentaires.
La loi «historique» sur le logement et l’épicerie à prix abordable présentée en septembre dans le but affiché d’enrayer la crise de l’accessibilité financière se résume en réalité à une nouvelle exonération fiscale pour les promoteurs du secteur privé qui exploitent la définition floue du terme «abordable» pour obtenir des subventions pour des logements proches de la valeur marchande. Les prix «abordables» restent hors de portée de la plupart des Canadiens.
Que Trudeau pointe du doigt les géants de l’alimentation n’est que rhétorique et ne résoudra en rien le problème de l’insécurité alimentaire et ne fait que détourner l’attention des questions politiques fondamentales à l’origine de la crise de l’accessibilité financière. Les efforts des organisations caritatives qui se démènent, aussi cruciaux soient-ils pour apporter une aide d’urgence, ne sont qu’un pansement sur une hémorragie.
L’érosion de la position sociale de la classe ouvrière, qui dure depuis des décennies et qui est constamment minée par les politiques d’austérité et l’enrichissement des sociétés par les gouvernements de toutes tendances politiques avec l’aide des syndicats, a laissé de larges pans de la population canadienne vivre dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Malgré ces sombres statistiques, les libéraux, soutenus par le Nouveau Parti démocratique, se sont engagés à augmenter de 70 % le budget des dépenses militaires, des coûts qui sont absorbés par les services sociaux essentiels et les protections dont dépendent les personnes vulnérables.
L’apparition de la pandémie de COVID-19 et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement ont servi d’accélérateur à ce processus sous-jacent et ont fourni un prétexte à l’enrichissement des entreprises. L’escalade de la guerre contre la Russie en Ukraine, dans laquelle le gouvernement canadien joue un rôle prépondérant, a déclenché une crise alimentaire et énergétique mondiale et une inflation galopante.
La crise du coût de la vie suscite une opposition croissante à l’échelle internationale, de la France au Sri Lanka, ce qui fait craindre à la classe dirigeante canadienne que ces mouvements spontanés de grèves et de protestations ne se transforment rapidement en un mouvement politiquement conscient contre la guerre impérialiste et l’austérité.
Les atrocités commises actuellement par le gouvernement israélien et soutenues par toutes les puissances impérialistes contre la population sans défense de Gaza marquent une nouvelle étape dans la campagne impérialiste de dépeçage du Moyen-Orient, riche en énergie.
Sous couvert du «droit d’Israël à se défendre», l’establishment politique canadien a apporté un soutien unanime à la poursuite du massacre sanglant à Gaza, qui a tué plus de 9000 Palestiniens innocents, dont près de la moitié sont des enfants. Cela souligne l’hypocrisie et le cynisme qui se cachent derrière les 60 millions de dollars d’aide humanitaire à la bande de Gaza et aux régions avoisinantes que Trudeau a promis, et qui sont en réalité destinés à masquer le rôle prédateur du Canada dans la région, en tant que partenaire junior de l’impérialisme américain.
Les travailleurs et les jeunes du Canada, choqués et dégoûtés à juste titre par les atrocités commises à Gaza, doivent s’armer politiquement en comprenant que la crise économique qui plonge un nombre toujours plus grand de Canadiens dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire entraîne également la descente de la classe dirigeante dans la barbarie. La solution réside dans la construction d’un mouvement anti-guerre des travailleurs et des jeunes contre l’ensemble du système capitaliste et pour la réorganisation socialiste de la société qui mettra fin à toutes les formes de privation et de pauvreté, ainsi qu’à la guerre impérialiste mondiale.
(Article paru en anglais le 2 novembre 2023)