Après sa réélection à l’automne 2022, François Legault, qui dirige le gouvernement ultra-droitier de la Coalition avenir Québec (CAQ), se disait prêt à «dépenser son capital politique» dès le début de son deuxième mandat.
Cette promesse d’un assaut intensifié sur les travailleurs s’est concrétisée ces dernières semaines dans une série de décisions et annonces politiques qui visent de larges sections de la classe ouvrière, y compris:
* des offres provocatrices aux 600.000 employés du secteur public québécois, qui représentent une baisse majeure des salaires réels et de nouveaux reculs dans les pensions;
* le refus d’investir dans les services publics malgré leur état lamentable, causé par des décennies de compressions budgétaires et aggravé par la pandémie de COVID-19;
* l’adoption d’une nouvelle loi pour formaliser un recours accru au travail des enfants;
* une réorganisation de l’industrie de la construction cet automne pour introduire plus de «flexibilité» et de «productivité» en éliminant les restrictions sur les tâches que peuvent accomplir les divers corps de métier;
* une «réforme» de l’aide sociale pour forcer les prestataires à retourner sur le marché du travail en tant que source de main-d’œuvre à bon marché.
Le gouvernement de la CAQ a utilisé le dépôt de son budget, fin mars, pour tracer ses grandes priorités. Sans surprise, ce budget répond aux exigences de la grande entreprise pour la réduction des dépenses sociales et la privatisation accélérée des services publics.
Sa mesure phare est une baisse d’impôts pour les particuliers. Eric Girard, l’ancien premier vice-président à la Banque Nationale qui est aujourd’hui le ministre des Finances, a ainsi réduit d’un pour cent le taux des deux premiers paliers de la table d’impôt québécoise – les faisant passer respectivement de 15 à 14% et de 20 à 19%.
Selon une analyse de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), ce sont les couches aisées qui profiteront davantage de la baisse d’impôts: un couple qui gagne au total 200.000$ obtiendra une réduction de 0,81% de ses impôts (1.627$) alors qu’un couple gagnant 60.000$ bénéficiera d’une baisse d’impôt de 0,43% (256 $). La baisse d’impôts privera l’État québécois d’environ 2 milliards de dollars par année.
Pour compenser ce manque à gagner, le budget prévoit une «augmentation» des dépenses de seulement 1,2%, soit bien en deçà de l’inflation, qui se maintient à plus de 5% et atteint 10% pour les denrées alimentaires.
En santé, le gouvernement a annoncé une somme additionnelle de 1,1 milliard de dollars par année, ce qui est nettement insuffisant pour satisfaire les besoins d’un système de santé saigné à blanc par les coupes successives et mis à mal par la pandémie de COVID-19.
À peine 395 millions sont prévus pour ouvrir des cliniques de première ligne, alors que plus de 600.000 Québécois n’ont toujours pas accès à un médecin de famille et que des dizaines de milliers sont sur des listes d'attentes pour diverses procédures médicales. Aucune somme n’est prévue pour l’embauche massive d’infirmières et autres personnels de la santé alors que le besoin est criant à travers le réseau et que les travailleurs en place sont à bout de souffle.
Une partie importante des sommes investies en santé vise à poursuivre la privatisation du système public. Début mars, la CAQ lançait des appels d’offres pour la construction de deux «mini-hôpitaux» privés. Quelques jours avant le dépôt du budget, le ministre de la Santé, le comptable et ancien vice-président de Cascades, Christian Dubé, a profité d’une rencontre à huis clos avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain pour annoncer que sa nouvelle agence Santé Québec serait dirigée par des «tops guns» du secteur privé.
En déclarant hypocritement que l’éducation est sa priorité, le gouvernement Legault a annoncé des nouvelles dépenses de 2,3 milliards de dollars sur cinq ans, pour une moyenne de 460 M$ par année – une hausse d’à peine 5%, qui contraste avec les besoins criants du réseau d’éducation, autant au niveau du personnel que des infrastructures.
Alors que plus de 50% des bâtiments sont en mauvais ou très mauvais état et qu’il faudrait, selon des experts, consacrer au minimum 1 milliard par année pendant 10 ans seulement pour reconstruire les écoles en «très mauvais état», le budget ne prévoit d’ajouter que 40 millions de dollars par année au programme d’entretien du parc immobilier scolaire.
Tous les autres ministères subissent une diminution de financement qui atteint globalement 1,8%, une politique d'austérité camouflée sous le vocable d’une «optimisation» des ressources visant à récupérer 1,5 milliard de dollars par année.
Les sociétés de transport collectif, qui souffrent de déficits importants depuis la pandémie, ne recevront que 722 millions de dollars sur cinq ans. Elles estiment un manque à gagner de 500 millions pour 2023 uniquement, un déficit qui pourrait atteindre 900 millions de dollars en 2027. Un système de transport collectif fiable et peu coûteux est pourtant un besoin fondamental de la classe ouvrière.
Le budget prévoit seulement 304 millions sur cinq pour la construction de 1.500 nouveaux logements abordables, alors qu’il en faudrait au moins 37.000 au Québec. Dans ce domaine aussi, le gouvernement Legault intensifie ses efforts de privatisation.
La ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, une comptable de formation qui a été vice-présidente d’une société internationale de service-conseil en immobilier commercial, avait fait appel après son élection en 2022 au secteur privé pour «hausser l’offre» de logements sociaux. Le budget met cette intention en œuvre en augmentant le financement garanti aux promoteurs immobiliers par le gouvernement pour les inciter à construire le tiers des 1500 nouveaux logements abordables.
À l’opposé de ce rationnement pour les travailleurs, le budget de la CAQ augmente les sommes déjà prodigieuses accordées aux grandes sociétés et à leurs riches actionnaires. En 2022, l’aide aux entreprises sous forme de crédits d’impôts, d’incitatifs et de «mesures spéciales» a atteint le montant faramineux de 8,4 milliards de dollars.
Pour camoufler son programme ultra-droitier et détourner l’opposition sociale montante, le gouvernement Legault agite le drapeau du nationalisme et du chauvinisme québécois. Au nom de l’unité nationale et de la cohésion sociale, il attaque constamment les immigrants et les minorités afin de diviser la classe ouvrière.
Cela souligne l’urgente nécessité d’établir l’unité de tous les travailleurs au Canada – francophones, anglophones et immigrants – avec leurs frères et sœurs de classe des États-Unis et d’outre-mer dans une lutte commune contre l’austérité capitaliste et pour l’égalité sociale.