Expiration des conventions collectives dans le secteur public québécois: le gouvernement Legault multiplie ses demandes anti-ouvrières

Avec l’expiration prochaine des conventions collectives régissant les conditions de travail des quelque 600.000 travailleurs du secteur public québécois, le premier ministre de la province, François Legault, multiplie les demandes de nouvelles concessions.

Le mois dernier, les syndicats du Front commun, qui regroupent la majorité des travailleurs du secteur public, ont dû rejeter les premières offres du gouvernement Legault devant l’opposition des membres. Ces offres provocatrices étaient synonymes d’appauvrissement des travailleurs avec des «hausses» salariales de 9% sur cinq ans face à une inflation de 7% cette année seulement, ainsi que des reculs majeurs dans les retraites.

Profitant des efforts continuels des syndicats pour étouffer l’opposition des membres de la base, Legault et sa Coalition Avenir Québec (CAQ) de droite y sont allés ces derniers jours de nouvelles propositions tout aussi réactionnaires. Celles-ci s’inscrivent dans les efforts du gouvernement pour pressurer encore plus les travailleurs en exigeant une nouvelle «organisation du travail» et «plus de flexibilité» dans les prochaines conventions.

Une des propositions est d’ajouter 15.000 aides dans les classes pour soutenir les enseignants aux prises avec des «classes difficiles». En «échange», le gouvernement exige que les travailleurs de l’éducation abandonnent leurs revendications centrales, à savoir «l’allègement de la tâche» et «la diminution du nombre d’élèves par groupe», ce qui nécessiterait une embauche massive de nouveaux enseignants et éducateurs.

Le fait que plus de la moitié des classes de la province (25.000 au total) sont fréquentées par des élèves à grands besoins démontre d’une part l’ampleur de la crise sociale et culturelle causée par les inégalités sociales grandissantes, et d’autre part, l’échec de la politique d’«intégration». Celle-ci a vu, au fil des années, la réduction du nombre de classes d’adaptation scolaire et l’intégration grandissante des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) dans les classes dites régulières, mais sans l’ajout des ressources additionnelles nécessaires.

La proposition de la CAQ soulève plusieurs problèmes majeurs, y compris le fait que les aides seraient majoritairement du personnel du service de garde déjà à l’emploi à qui on offrirait plus d’heures. Ces travailleurs, quoique essentiels et compétents, ne sont formés ni en pédagogie, ni en gestion du comportement. Le gouvernement ne propose nullement de leur offrir une formation adéquate ni d’augmenter leur salaire. Autrement dit, le gouvernement veut transformer les classes en garderies où des travailleurs non formés et mal payés devront gérer des enfants aux difficultés d’apprentissage et de comportement complexes.

Des infirmières du Québec manifestent contre leurs dures conditions de travail durant les négociations collectives de 2020-21. [Photo: WSWS]

En ce qui concerne le système de santé, sous le prétexte de combler la pénurie de main-d’œuvre qui y règne, Legault veut réintégrer dans le réseau public du personnel provenant des agences de placement privées. Sachant que l’embauche des infirmières d’agences coûte cher au gouvernement, la CAQ veut faire d’une pierre deux coups: réaliser des économies budgétaires et intensifier l’exploitation de la main-d’œuvre et la violation des droits des travailleurs (comme l’ancienneté) au nom d’un «assouplissement» dans les conventions collectives.

Par exemple, pour «mettre fin au temps supplémentaire obligatoire», le premier ministre exige que les infirmières «garantissent des disponibilités pour les quarts difficiles à combler, comme la nuit ou les jours fériés». Autrement dit, il veut forcer les infirmières à «s’arranger» pour travailler la nuit et le weekend contre leur gré.

L’état lamentable des services publics et des conditions de travail est le résultat des décennies d’austérité capitaliste imposées par les gouvernements fédéraux et provinciaux, autant fédéralistes que souverainistes.

La réponse catastrophique de la classe dirigeante face à la pandémie de COVID-19, basée sur la politique des «profits avant les vies», n’a fait qu’exacerber la crise. Legault, cet ancien PDG multimillionnaire et fervent partisan de la privatisation est en train de mettre la hache dans ce qui reste du réseau public de santé.

Derrière sa posture hypocrite de vouloir sauver les services publics, le gouvernement s’apprête à détourner des ressources publiques vers le privé, livrant ainsi un marché lucratif aux riches actionnaires des grands fonds d’investissement. Au début du mois de mars, la CAQ a lancé des appels d’offres pour la construction de deux «mini-hôpitaux» privés, une demande de longue date du Parti conservateur du Québec, qui se positionne à l’extrême-droite de l’échiquier politique.

La privatisation des soins est opérée sous le prétexte d’«alléger la pression sur le réseau de la santé». Il s’agit plutôt d’ouvrir une nouvelle brèche dans le réseau public et de frayer la voie au principe aristocratique selon lequel seuls les riches pourront se payer des soins de qualité. On a déjà vu comment les gouvernements ont utilisé les développements technologiques pour privatiser des pans entiers des services de diagnostic, notamment en imagerie médicale. Ces conditions pousseront encore plus de travailleurs de la santé à se diriger vers les emplois au privé.

L’argument selon lequel l’État n’a «pas les moyens» d’investir plus dans les services publics essentiels comme la santé et l’éducation est mensonger sur toute la ligne. Comme ses homologues provinciaux, Legault maintient des taux d’imposition extrêmement bas pour les grandes entreprises et promet de réduire encore les impôts des particuliers, une mesure qui bénéficiera principalement aux gens à hauts revenus. Pendant ce temps, le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau fournit des milliards de dollars au régime ukrainien pour intensifier la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie, et consacre des dizaines de milliards au réarmement du Canada.

Les appareils syndicaux, qui travaillent depuis les années 1980 à étouffer l’opposition de leurs membres et à isoler leurs luttes lorsqu’elles éclatent malgré tout, n’ont aucune intention de mobiliser la force sociale de la classe ouvrière contre le gouvernement Legault. Les grandes centrales du «Front commun» négocient plutôt en huis clos avec la CAQ afin de décider quelles concessions imposer à leurs membres.

Pour éviter une autre trahison de leur lutte, les travailleurs du secteur public doivent prendre la lutte entre leurs propres mains et adopter une nouvelle stratégie, basée sur la mobilisation la classe ouvrière en tant que force politique indépendante.

Les conditions pour y arriver sont propices, comme en témoigne la forte poussée de la lutte des classes dans le monde – manifestations et grèves de masse en France contre l’assaut du président Macron sur les retraites, débrayages au Royaume-Uni contre l’inflation hors de contrôle, grève générale en Grèce après un accident de train ayant fait 57 morts, etc.

La défense des services publics, et des conditions de travail de ceux qui les fournissent, doit devenir l’étincelle d’un vaste mouvement de la classe ouvrière – au Québec, ailleurs au Canada et à l’international – contre l’austérité capitaliste, l’inflation galopante, la pandémie qui continue ses ravages et la guerre impérialiste.

Cela requiert la mise sur pied, dans chaque lieu de travail, de comités ouvriers de base entièrement indépendants des syndicats nationalistes et pro-capitalistes. De tels comités permettront aux travailleurs de tisser des liens à travers les secteurs d’emploi, et au-delà des frontières provinciales et nationales, afin de préparer un affrontement politique avec le gouvernement Legault contre le programme de guerre de classe qu’il mène au nom de toute la classe dirigeante québécoise et canadienne.

Loading