Le Trades Union Congress rejette la journée de grèves coordonnées contre les nouvelles lois antigrève du Royaume-Uni

Le Congrès des syndicats britanniques (Trades Union Congress – TUC) a annoncé une «journée nationale du droit de grève» pour protester le 1er février contre les lois antigrève proposées par le gouvernement conservateur. Le secrétaire général du TUC, Paul Nowak, a déclaré qu’il prévoyait «d’organiser des manifestations dans tout le pays contre ce nouveau projet de loi malveillant – qui est inapplicable et presque certainement illégal».

Il a décrit la législation comme une attaque contre «le droit fondamental de grève», qui introduit des restrictions «draconiennes» qui «feront pencher l’équilibre du pouvoir encore plus en faveur des mauvais patrons et feront en sorte qu’il sera plus difficile pour les gens d’obtenir de meilleurs salaires et conditions de travail».

Paul Nowak, chef désigné du Congrès des syndicats britanniques (TUC), s’exprimant lors du rassemblement du CWU [Photo: WSWS] [Photo: WSWS]

Mais au milieu de la plus grande vague de grèves depuis des générations, où des centaines de milliers de travailleurs sont en grève et où des centaines de milliers d’autres voteront bientôt pour la grève, le TUC n’organisera pas de grèves coordonnées, même pour une journée.

Selon le Guardian, les plans pour une journée de protestation ont été «discutés par les syndicats qui représentent le personnel du NHS [National Health Service], des chemins de fer, de l’éducation et de la fonction publique» au siège du TUC à Londres, mais l’idée de grèves coordonnées «n’a pas recueilli un soutien suffisant».

Une source syndicale a déclaré au journal: «Une des choses qui a été sérieusement discutée lors de la réunion, et que [certains syndicats] essayaient de faire passer, était une journée d’action coordonnée le 1er février. Cependant, il semble très, très, très improbable que cela se produise. Mais certains syndicats vont quand même débrayer ensemble le 1er février dans le cadre de leur grève continue qui a lieu de toute façon».

Les syndicats de la santé ont joué un rôle ouvertement méprisable. Le Guardianécrit que «Pat Cullen, secrétaire générale du Royal College of Nursing [RCN], a clairement exprimé son opposition à une action coordonnée par différents syndicats et a déclaré que le RCN ne se joindrait pas à une telle initiative». Il poursuit: «Les responsables d’autres syndicats ont déclaré qu’ils craignaient que toute grève concertée, impliquant une perturbation massive d’une série de services publics clés, ne réduise le soutien du public à la campagne de grèves en cours».

Le Socialist Workers Party de pseudogauche, qui a eu connaissance de la réunion par l’intermédiaire de ses membres dans la bureaucratie syndicale, écrit que: «certains des dirigeants des syndicats de la santé étaient les plus opposés à une journée de grève. Ils craignaient qu’une “grève générale” ne fasse perdre de vue la “lutte unique” du NHS et la “réputation sans tache” des travailleurs de la santé».

Aussi irritantes que soient leurs excuses, Cullen et les syndicats de la santé ne sont que l’expression la plus effrontée des efforts de l’ensemble de la bureaucratie pour étouffer la vague de grèves au Royaume-Uni.

Tout au long de leurs conflits qui durent depuis des mois, les syndicats du rail, le syndicat des travailleurs de la communication (CWU) et le syndicat des universités et collèges (UCU) ont à peine tenu des jours de grève simultanément. Les syndicats ferroviaires RMT (Rail, Maritime and Transport), ASLEF et TSSA ont souvent appelé leurs membres, tous issus du même secteur, à faire grève à des dates différentes. Le CWU a gardé ses conflits avec Post Office, Royal Mail et BT séparés, en trahissant la grève de BT en décembre dernier. Le syndicat des services publics et commerciaux (PCS) a appelé à débrayer seulement 5.000 de ses 100.000 membres mandatés pour la grève, dans une série de petites actions isolées.

Tous les représentants syndicaux présents à la réunion du TUC qui ont fait pression pour une journée de grèves coordonnées ne l’ont pas fait parce qu’ils sont plus proches des travailleurs ou qu’ils veulent mener la lutte des classes, mais parce qu’ils sont plus inquiets des conséquences de visiblement faire si peu. Comme l’a dit le chef du PCS, Mark Serwotka, mettant en garde ses collègues bureaucrates du TUC en octobre dernier:

«J’ai fait un certain nombre de discours au fil des ans pour dire que lorsque l’histoire sera écrite, le mouvement syndical sera considéré comme ayant échoué dans la lutte contre l’austérité, et nous devons tirer cette leçon. Une partie de la leçon que nous devons tirer, je pense, est que laisser les batailles individuelles être menées seules est une erreur».

Mark Serwotka, chef syndical du PCS, s’exprimant lors d’un rassemblement à Londres en octobre 2022 [Photo: WSWS] [Photo: WSWS]

Mercredi soir, le PCS est devenu le premier syndicat à annoncer une grève d’une journée le 1er février, dans le but de sauver la face. Il a d’ailleurs déclaré que, pour la première fois, l’ensemble des 100.000 membres éligibles à la grève y participeront. En outre, 33.000 membres du PCS votent actuellement pour la grève dans cinq autres départements de la fonction publique.

Il est tout à fait possible que d’autres syndicats annoncent également des grèves le 1er février dans le cadre de leurs grèves en cours. Mais il ne s’agira pas d’une initiative plus large contre le gouvernement. La plupart des syndicats se limiteront à prendre part à une série de manifestations dans le cadre de la campagne «juridique et parlementaire» de la bureaucratie contre les lois antigrève. Nowak et d’autres dirigeants syndicaux ont déjà promis de respecter la législation, encourageant les travailleurs à attendre les tribunaux ou un gouvernement travailliste qui, selon eux, la révoquera.

La contradiction entre la détermination de la classe ouvrière à lutter contre le gouvernement conservateur et le désir désespéré de la bureaucratie syndicale de l’empêcher est extrême.

La lutte des classes en Grande-Bretagne est à son plus haut niveau depuis des décennies. Plus de jours de travail ont été perdus en raison de grèves au cours des cinq mois entre juin et octobre de l’année dernière qu’au cours de toute période similaire depuis 1990 – soit plus d’un million. Les chiffres officiels ne sont pas encore disponibles, mais le cabinet d’études Capital Economics et les syndicats estiment tous deux que plus d’un million de jours ont été perdus au cours du seul mois de décembre 2022, soit le chiffre mensuel le plus élevé depuis juillet 1989.

Pendant ce temps, la bureaucratie syndicale a évolué dans la direction opposée. Elle est encore plus hostile à la lutte de la classe ouvrière aujourd’hui qu’il y a dix ans. Le 30 novembre 2011, jusqu’à deux millions de travailleurs du secteur public ont rejoint une grève d’une journée organisée par 37 syndicats différents contre les attaques sur leurs retraites qui faisaient partie du régime d’austérité du gouvernement conservateur de David Cameron.

Ce qui s’est passé ensuite est porteur de leçons d’une importance vitale pour les travailleurs d’aujourd’hui. Présentée par des groupes de pseudogauche comme le début d’un renouveau du syndicalisme militant, la grève de novembre 2011 a plutôt marqué le début de la trahison finale de la bureaucratie dans le conflit sur les retraites.

En quelques semaines, le TUC a annulé toute action future et les syndicats individuels ont commencé à entamer des négociations pour donner au gouvernement ce qu’il demandait. En février 2012, seuls le National Union of Teachers (NUT), le University and College Union (UCU), le syndicat Public and Commercial Services (PCS) et l’Educational Institute of Scotland (EiS) acceptaient d’organiser des scrutins pour une nouvelle journée d’action commune en mars de la même année. En fin de compte, le PCS et l’EiS se sont retirés, et le NUT et l’UCU ont limité la grève à Londres.

Dans les conditions sociales actuelles, beaucoup plus explosives, la bureaucratie a tellement peur que la lutte des classes échappe à son contrôle que ses trahisons sont encore plus évidentes.

Ses défenseurs de la pseudogauche sont obligés de mettre les bouchées doubles pour produire des excuses. Le 4 janvier, le World Socialist Web Sitea écrit en réponse à un article de Socialist Worker qui affirmait que les syndicats prévoyaient «une journée de grève unifiée qui pourrait impliquer plus d’un million de travailleurs le mercredi 1er février». Prenant note des nombreuses réserves de l’article et des actions réelles entreprises par les syndicats censés être impliqués, nous avons qualifié de fraude le prétendu plan de grève coordonnée.

Article du Socialist Worker, «Plus d’un million de travailleurs pourraient faire grève le 1er février», publié le 20 décembre 2022 [Photo: Socialist Worker] [Photo: Socialist Worker]

À propos de la mise en garde du SWP concernant une journée d’action menée par les syndicats, «Laissée à eux-mêmes, elle sera largement passive et constituera la fin d’un processus plutôt que le début», nous avons écrit: «C’est une déclaration extraordinaire. Le “processus” n’est jamais défini, mais il ne peut qu’être la référence la plus obscure possible à la trahison prévue de la vague de grève britannique par la bureaucratie».

Le 6 janvier, le WSWS a insisté sur le fait que les syndicats ne lutteraient pas contre les lois antigrèves, expliquant que le TUC avait «désavoué de manière préventive toute lutte contre la législation», son exemple étant «suivi par l’ensemble de la bureaucratie, y compris ses représentants nominalement de gauche et militants».

Le WSWS et le Parti de l’égalité socialiste ont vu juste. La bureaucratie syndicale et ses partisans de la pseudogauche conduisent la classe ouvrière à ce qui serait une défaite cuisante.

Pour les travailleurs qui reconnaissent l’urgente nécessité d’une action commune, tous azimuts, au mépris des lois antigrève du gouvernement, pour défendre les salaires, les emplois et les conditions de travail, la tâche consiste à établir de nouvelles organisations de lutte capables de faire ce travail au mépris des directions syndicales.

Le SEP appelle à la création de comités de la base sur chaque lieu de travail. Avec ses partis frères du monde entier, il a fondé l’Alliance ouvrière internationale des comités de base afin d’aider à mener cette lutte. Contactezl’IWA-RFC et le WSWS dès aujourd’hui.

(Article paru en anglais le 12 janvier 2023)

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