L'épouse d'Assange, Stella Moris, démolit le belliciste américain John Bolton en direct à la télévision

Une portion de l’émission télévisée « Programme non-censuré » de Piers Morgan a fourni à son public de masse une démonstration rare et sans fard des deux côtés dans l’affaire de l'éditeur de WikiLeaks Julian Assange, emprisonné en Grande-Bretagne et qui risque d'être extradé vers les États-Unis pour avoir dénoncé les crimes de guerre américains.

Stella Moris et John Bolton [AP Photo/Frank Augstein/Martin Mejia] [AP Photo/Frank Augstein/Martin Mejia]

D'une part, l'épouse d'Assange, Stella Moris, a décrit le terrible précédent que les États-Unis cherchaient à créer en poursuivant un journaliste pour avoir publié des informations véridiques. Elle a parlé avec éloquence de la défense des droits démocratiques d'Assange et de la population dans son ensemble, ainsi que de l'importance de faire respecter les normes juridiques internationales.

De l'autre, John Bolton, politicien républicain de longue date et apparatchik d'État, a fulminé et déliré alors qu'il affirmait le « droit » du gouvernement américain de ruiner la vie de quiconque se mettait en travers de ses « intérêts nationaux ».

L'émission a été diffusée sur la chaîne de télévision britannique TalkTV et a déjà été visionnée des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux.

Cette réaction démontre la véritable opinion publique envers Assange, généralement enterrée par les médias officiels. Moris a reçu de nombreux éloges pour ses commentaires réfléchis et fondés sur des principes, dont ses déclarations sur la propre relation de Bolton avec les crimes de guerre. Les remarques de Bolton ont été condamnées comme dangereuses et effrayantes.

Morgan a commencé par noter qu'Assange était enfermé dans la prison britannique de Belmarsh, un établissement « de très haute sécurité » et « sinistre », depuis près de quatre ans, après sept ans de détention arbitraire à l'ambassade d'Équateur à Londres. Il a ensuite demandé à Moris quelle tournure elle pensait que l’affaire prendrait et ce qu’elle espérait accomplir.

Moris, elle-même avocate des droits de l'homme très respectée, a expliqué: « Julian risque une peine potentielle de 175 ans en prison aux États-Unis pour avoir fait du travail de journaliste. Pour avoir reçu des informations d'une source et les avoir publiées, et c'était dans l'intérêt public. Il s'agissait de crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan, et il a révélé des dizaines de milliers de morts civiles qui n'avaient pas été admises auparavant. »

Morgan a déclaré qu'il se ferait «l'avocat du diable», reprenant l'affirmation souvent répétée que Wikileaks avait publié en ligne tout le matériel venant du lanceur d’alerte Chelsea Manning sans discernement, mettant des individus en danger, alors que le Guardian et le New York Times avaient pris soin d’expurger le matériel avant publication.

Interrogée pour savoir si elle acceptait cet argument, Moris a répondu avec force: « Je ne l'accepte pas, parce que ce n'est pas vrai. WikiLeaks a en fait expurgé tous ces documents que Manning a donnés à WikiLeaks, et en fait c'était en coopération avec ces journaux. »

WikiLeaks, a fait remarquer Moris, avait retenu 15 000 documents des journaux de guerre afghans de l'armée américaine et avait été critiqué par certains pour les expurgations extensives des journaux de guerre irakiens. La publication de 250 000 câbles diplomatiques fuités, dans leur intégralité, ne fut pas l'œuvre de WikiLeaks. C’était au contraire dû à ce que des journalistes du Guardian avaient publié imprudemment le mot de passe de la tranche des câbles dans un livre.

Morgan a ensuite présenté Bolton, lui demandant pourquoi les États-Unis étaient si déterminés à appliquer à Assange une « justice incroyablement draconienne », sous forme d’une peine de 175 ans qui l'attendrait dans une prison de haute sécurité américaine.

Bolton fit cette réponse sidérante: « Eh bien, je pense que c'est une petite partie de la peine qu'il mérite. » Il a ensuite débité une suite de généralités fausses, sans se donner la peine de les étayer. Assange avait commis des « activités criminelles », il n'était « pas plus journaliste que la chaise sur laquelle je suis assis », il avait « mis des individus en danger », etc. etc.

La seule chose ayant un ton de vérité prononcée par Bolton fut lorsqu’il s'est plaint amèrement qu'Assange avait entravé la poursuite des «intérêts nationaux» américains. C’est à dire que les activités journalistiques légales d'Assange avaient gêné la politique militariste criminelle du gouvernement américain.

Le politicien américain a déclaré allègrement qu'Assange bénéficierait d'un « procès en bonne et due forme » et d'un « procès équitable » en Amérique, avant de proclamer, « j'espère qu'il sera condamné à176 ans! » Bolton était apparemment inconscient de la contradiction flagrante entre ces deux affirmations, mais le public lui ne l'était certainement pas. Assange bénéficiera d'une « procédure régulière », déclare l'agent de l'État américain, et clame en même temps son espoir de le voir enfermé et croupir en prison pour le restant de ses jours.

Moris a lancé une attaque en règle pour démolir les arguments cousus de fil blanc de Bolton. L'ancien ambassadeur des États-Unis était une sorte d’« ennemi juré idéologique de Julian ».

«Pendant son temps au gouvernement Bush et plus tard dans le gouvernement Trump, il a cherché à saper le système juridique international, il a cherché à garantir que les États-Unis échappent à la juridiction de la Cour pénale internationale. Et si c'était le cas, M. Bolton pourrait bien être poursuivi dans le cadre de la CPI. Il fut l'un des principaux instigateurs de la guerre en Irak, ce que Julian a ensuite révélé à travers ces fuites, il a donc un conflit d'intérêts. »

Bolton a gloussé de façon maniaque et a qualifié la déclaration de Moris de « ridicule ».

En fait, Bolton a soutenu toutes les guerres criminelles menées par les États-Unis depuis celle du Vietnam. Il fut l’ambassadeur du gouvernement Bush aux Nations Unies, alors que celui-ci poursuivait l'occupation illégale de l'Irak, une guerre basée sur des mensonges qui a coûté la vie à plus d'un million de personnes.

Comme le note Wikipédia, « Bolton est largement considéré comme un faucon de la politique étrangère » ayant préconisé de diverses manières «des interventions militaires et un changement de régime par les États-Unis en Iran, en Syrie, en Libye, au Venezuela, à Cuba, au Yémen et en Corée du Nord ». En d'autres termes, c’est un représentant de l'appareil d'État militariste qu'Assange a mis à nu.

Bolton a cherché à répliquer, en exigeant de savoir si Moris acceptait qu'Assange aurait un procès équitable aux États-Unis.

Moris a expliqué que ce ne serait pas le cas. Assange a été le premier journaliste à être poursuivi en vertu de la Loi sur l'espionnage. Celle-ci ne contient aucune défense d'intérêt public et même des publications d’entreprise ont averti que l'affaire était un rude coup asséné à la liberté de la presse.

Moris a de nouveau mis en garde contre une détérioration de la santé d'Assange qui menace sa vie. Il était comme un « animal en cage », privé de contacts réguliers avec sa famille, ses amis et ses collaborateurs. Moris a appelé les téléspectateurs à participer à une chaîne humaine de protestation pour la liberté d'Assange autour du parlement britannique, ce samedi 8 octobre à 13 heures, heure locale. Des rassemblements sont également prévues dans d'autres villes du monde.

L’émission télévisée a mis en évidence ce qui était en jeu dans la lutte pour la liberté d'Assange. Bolton a donné une expression particulièrement directe et sans fard au cours suivi par tous les gouvernements impliqués dans la persécution d'Assange : le gouvernement Biden qui poursuit l'extradition, le gouvernement britannique qui détient Assange dans une prison de haute sécurité, et le gouvernement travailliste australien qui refuse de défendre l'éditeur de WikiLeaks, malgré qu'il soit citoyen australien.

Tous utilisent les poursuites contre d'Assange pour créer le précédent de persécutions beaucoup plus larges, visant en particulier l'opposition généralisée à la guerre. Cela a lieu alors que les puissances impérialistes mènent, sous la conduite des États-Unis, une guerre par procuration contre la Russie en Ukraine, qui menace le monde de catastrophe nucléaire et qu'elles s’affrontent avec la Chine.

Comme a insisté le WSWS, la lutte pour la liberté d'Assange doit être un élément central d’un nouveau mouvement international de la classe ouvrière pour stopper la descente catastrophique dans une guerre mondiale et l'attaque des droits démocratiques fondamentaux qui l’accompagne.

(Article paru en anglais le 7 octobre 2022)

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